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été des royautés absolues. En Angleterre, la royauté fut encore plus limitée qu’ailleurs. Elle y avait sans doute des prérogatives immenses. Le roi était inviolable Les idées chevaleresques et les idées religieuses attachaient à sa personne un prestige sacré : il avait seul le droit de convoquer les états du royaume ; il pouvait les dissoudre à son gré ; il était le chef de l’administration, le commandant des forces militaires, l’unique arbitre des relations du pays avec les peuples étrangers, le dispensateur de toute justice, de toute grace et de toute dignité ; il possédait des revenus héréditaires qui suffisaient s’il savait en disposer avec économie, aux besoins de son gouvernement. Mais ces royales prérogatives étaient limitées par trois principes si anciens qu’on dirait des idées innées au cœur du peuple anglais, si puissans dans leurs germes que le travail des générations en a tiré la constitution anglais tout entières. Ces restrictions étaient que le roi ne pouvait faire des lois sans le consentement du parlement, qu’il ne pouvait imposer des taxes sans le consentement du parlement, qu’il était tenu d’administrer conformément aux lois du pays, ses agens demeurant responsables de la transgression de ces lois. Quoique la vitalité de ces principes persiste durant toute la suite de l’histoire de l’Angleterre, il s’en faut qu’ils eussent été constamment et partout appliques jusqu’au XVIIe siècle. Les rois les éludaient à travers des interprétations de légistes, ou les violaient tant que le leur permettaient leur force passagère et la docilité momentanée du peuple. Ainsi le roi ne pouvait faire ou abroger des lois mais il avait le droit de grace ; il pouvait par conséquent annuler une loi pénale : de là naquit cette anomalie connue sous le nom de droit de dispense (dispensing power) que nous verrons jouer un si grand rôle dans le règne de Jacques II. Le roi ne pouvait non plus lever des taxes sans le consentement du parlement ; c’était une des prévisions expresses de la grande charte. Toutes les fois que les rois voulurent briser ouvertement cette restriction, ils furent obligés de reculer devant une opposition inflexible ; mais ils y échappèrent par des expédiens temporaires : ils exigèrent, sous le nom de dons ou d’emprunts, les sommes que la loi leur interdisait de se procurer sous la forme d’impôts. Enfin, quoique le supplice des ministres eût souvent confirmé le principe de la responsabilité des agens de la couronne, le respect de la légalité se mesurait, chez les rois, au degré de crainte que leur inspiraient les mécontentemens populaires. D’ailleurs, les nations féodales avaient fort peu l’idée et tout au plus un vague instinct de la légalité ; ce qu’on appelle aujourd’hui la puissance de l’opinion, cette force morale dont le despotisme même subit l’empire dans nos civilisations modernes, n’existait pas au moyen-âge ; contre les excès du pouvoir royal, le peuple anglais n’avait d’autre moyen de résistance que l’insurrection. « Cent soixante ans se sont écoulés, dit M. Macaulay,