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restèrent sur le terrain. À ces nouvelles, le pacha d’Alger s’était ému. Toutes les forces turques se mirent en mouvement. Trop faibles pour résister, les Righas durent se rendre à discrétion. Emmenés à Mostaganem par ordre du pacha, ils y restèrent jusqu’à la chute du pouvoir turc. En 1830, après cinquante ans d’exil, la tribu entière se mit en route pour regagner ses montagnes ; mais l’anarchie régnait alors dans le pays, et tous couraient sus aux émigrés comme sur une proie qui leur était due. Les émigrés s’avancèrent ainsi, formant une muraille de feu autour d’eux, emportant leurs blessés, enterrant leurs morts, jusqu’à ce qu’ils eussent regagné ces terres où leurs ancêtres avaient vécu. Long-temps notre ennemie, devenue notre alliée en 1842, cette tribu s’étend jusqu’aux murs de Milianah.

Une heure après avoir quitté la fontaine des Trembles, où l’on nous conta l’histoire de la tribu des Righas, nous entrions à Milianah par la porte du nord. Le poste prenait les armes, et les tambours battant aux champs annonçaient l’arrivée du commandant de la province.


II.

Zaccar veut dire celui qui refuse, qui ne veut pas se laisser gravir : c’est le nom que les Arabes ont donné à cette longue crête rocheuse qui domine Milianah du côté du nord. Bâtie sur un plateau au pied de la montagne, la ville s’avance comme un promontoire au-dessus des dernières pentes qui continuent, une lieue durant, jusqu’à la vallée du Chéliff. Des flancs du Zaccar, de Milianah même, jaillissent des sources abondantes répandant partout la fraîcheur. Autour de la ville s’étendent ces jardins renommés dans toute l’Algérie ; des lierres, des mousses de toutes espèces, mille plantes aux longues tiges, semblent entourer d’une ceinture de verdure les maisons blanches aux tuiles rouges. De loin, le regard trompé ne voit qu’un riant aspect ; mais, si vous approchez, vous ne trouverez bientôt que des sépulcres blanchis.

Une grande rue tracée par les Français, sur laquelle s’ouvrent toutes les boutiques des cantiniers, traverse la moitié de la ville, et s’arrête à l’entrée du quartier des Arabes près du minaret d’une mosquée en ruine. Aux chants du muezzin appelant les fidèles à la prière ont succédé les sons bruyans des clairons français sonnant le service militaire. Milianah, en effet, n’était, à l’époque de notre séjour en 1843, qu’un vaste camp. Poste avancé jusqu’en 1841, cette ville était devenue, depuis cette époque, avec Médéah, la base de nos opérations dans la province d’Alger. L’on pouvait, du haut du minaret de la vieille mosquée, apprécier l’importance de cette position, car on voyait tout le pays qu’elle commande : les enroulemens de mamelons qui la séparent de Médéah, la vallée du Chéliff courant de l’est à l’ouest, et au-delà, le rocher de