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vince d’Oran, l’on vous parle encore du bey écorché, bey el messeloug.

En 1816, craignant les Coulouglis, le pacha voulut les faire massacrer tous, et confia son projet à Omar, qui, loin de s’y prêter, fit étouffer le pacha au bain. Cette fois, il fut contraint d’accepter le pachalik. En envoyant le cadeau à la Porte, il chargea Si-Hassan et son fils Mohamed de riches présens pour Méhémet-Ali, qui presque en même temps était nommé pacha. Pendant deux années, Omar tint tête à tous les fléaux, à la peste, aux sauterelles, au bombardement de lord Exmouth ; mais la pauvre Jemna avait perdu le repos, car elle savait que tous les deys mouraient de mort violente. Prise des douleurs de l’enfantement (1818), elle entendit des salves d’artillerie : saisie de crainte, elle voulut voir Omar, et, contre l’usage, elle l’envoya chercher par son fidèle serviteur, le vieux Baba-Djelloull ; mais le vieillard revint bientôt, et revint seul. Jemna avait compris. Elle tomba sans connaissance. Des coups nombreux furent au même instant frappés à la porte… C’étaient les chaous du nouveau dey qui venaient s’emparer des richesses d’Omar.

Jemna, revenue à elle, envoya demander l’hospitalité à un ancien ami de son mari. Se dépouillant de ses riches vêtemens, elle en revêtit de plus simples, enveloppa ses deux enfans dans les haïks de ses nègres, fit ses adieux aux cent esclaves qui la servaient dans son palais, et sortit suivie de ses deux enfans, de son père, de Baba-Djelloull et de deux négresses qui l’avaient élevée ; puis, fermant la porte de la cour, elle chargea Baba-Djelloull de remettre la clé au pacha, en lui disant : La femme d’Omar sort du palais de son mari plus pauvre qu’elle n’y était entrée ; elle n’enlève aucune des richesses qui ont tenté la cupidité de son assassin. Ces richesses seront la récompense de son crime ; mais qu’il se presse de jouir du pouvoir et de la fortune, car Dieu ne permettra pas que son heure soit longue. — Puis elle quitta pour jamais ce magnifique palais, qui l’avait renfermée pendant dix années sans qu’elle fût sortie une seule fois. Bien qu’il soit difficile d’évaluer toutes les richesses qu’Omar avait amassées pendant ces dix années, quelques détails suffiront pour donner une idée de la magnificence des Turcs une fois arrivés au pouvoir. Le palais d’Omar renfermait trois cents négresses, cent nègres, dix Géorgiennes, vingt Abyssiniennes, quarante chevaux de pur sang, dix jumens du désert. Dans ce palais se trouvait une salle entièrement garnie en or et en argent, ornée de pierres précieuses, une autre remplie de coffres, contenant de l’or et de l’argent monnayé, des étoffes de brocart, d’or et de soie. Chaque semaine, Jemna changeait de parure, et dans le coffre qui renfermait chaque costume se trouvait une parure complète en diamans, composée d’un diadème, d’une aigrette, de bou-