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LA FIN DE LA GUERRE DE HONGRIE.

blait terminée. Déjà le prince Windischgrætz traitait avec l’aristocratie magyare et combinait un plan d’alliance austro-magyare pour briser les projets de Jellachich son rival et comprimer l’ambition triomphante des Slaves. Le cabinet autrichien croyait pouvoir se passer de ceux qui avaient sauvé l’empire. Sans craindre le reproche d’ingratitude ni les résultats d’une injustice, il dissolvait la diète de Kremsier à l’heure même où elle achevait une constitution fédérale du goût des peuples slaves. Les Slaves se crurent trahis, et des milliers de volontaires, accourus de Bohême, de Pologne, de la Serbie turque, de la Bulgarie, abandonnèrent l’Autriche. Cependant les Magyars avaient tiré parti de toutes les fautes et de toutes les complaisances du prince Windischgrætz. Laissés en repos derrière la Theiss, ils avaient emprunté à l’émigration polonaise deux généraux éminens, Dimbinski et Bem, qui, avec une vigueur extrême, avaient organisé une armée respectable ; ils profitèrent avec une soudaine audace du désarroi où le mécontentement des Slaves mettait l’armée autrichienne. Dans une série de combats pleins de fougue, ils refoulèrent Windischgrætz de la Theiss à Comorn pendant que Jellachich, obéissant au vœu de son peuple tout autant qu’aux nécessités de la stratégie, se retirait sur le territoire des Slaves méridionaux. Un instant, l’armée magyare, grossie d’une grande multitude de transfuges slaves et valaques, parut tenir dans ses mains le sort de l’empire ; elle était à quelques lieues de Presbourg, et Presbourg est aux portes de Vienne. Bref, pour se tirer rapidement de ce mauvais pas où ses fautes l’avaient jeté, le cabinet de Vienne, subissant les conséquences de son ingratitude envers les Bohêmes, les Polonais et les Croates, s’est vu réduit à recourir à l’intervention du czar. Les Russes sont intervenus, et l’intrépidité avec laquelle les Magyars ont reçu l’attaque combinée des Slaves de la Croatie, des Allemands et de la Russie a été digne de l’antique bravoure des Magyars. Aussi les amis de ce peuple osaient-ils espérer que la lutte se prolongerait jusqu’au printemps ; ils ne doutaient pas que d’ici là, secondée par les complications européennes, la Hongrie ne pût triompher à la fois de tous ses ennemis. L’Autriche était donc irrévocablement condamnée à se dissoudre pour faire place à de nouvelles nations. La Russie, engagée dans cette guerre par l’inspiration d’un génie vengeur de la Pologne, venait chercher l’expiation de ses crimes.

Lorsque le jeune général Gorgey échappait récemment, devant Comorn et Waitzen, au cercle de fer dans lequel le général Paskéwicz l’avait assez mal enfermé, il n’y eut qu’un cri d’admiration parmi les hommes qui croyaient à l’avenir des Hongrois. On n’examinait point pour quelle raison Georgey avait fui ; on attribuait sa retraite à un dessein profond ; on y voyait la première phase d’une vaste combinaison stratégique par laquelle les Austro-Russes allaient être attirés dans les marais de la Theiss, où ils devaient trouver leur tombeau. Un mois n’était point encore passé, ces illusions n’avaient encore rien perdu de leur vivacité, et déjà ce même général, que l’on nous avait dépeint triomphant sur toute la ligne, désespérait de sa cause et brisait son épée. Cette nouvelle est venue frapper comme un coup de foudre les trop confians admirateurs de la guerre de Hongrie. Leur surprise égale leur abattement. En même temps qu’ils gémissent avec amertume sur les maux que la défaite de l’insurrection fait peser sur la Hongrie, ils refusent de croire que la situation fût assez déplorable pour justifier la soumission du général en chef. Ils ne conçoivent pas