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des dépenses inutiles ou excessives : quelles dépenses furent plus utiles et plus modérées ? Si on veut connaître le point où les contribuables commencent à fléchir sous les charges même les plus acceptées, on n’a qu’à s’enquérir de la rentrée des impôts. Les contribuables obérés ralentissent leurs versemens, et même ils les refusent jusqu’à ce que les moyens de contrainte surmontent leur résistance. Qu’on apprécie, d’après cette règle, la perception des contributions directes depuis 1830 : le chiffre croissant des recouvremens et le taux décroissant des frais de poursuite manifestent d’année en année une rentrée plus prompte et plus facile de l’impôt[1].

La raison de ce progrès est sensible. Les dépenses utiles enrichissent ceux qui peuvent les faire. Les denrées, par exemple, ne valent pas seulement ce qu’elles coûtent à produire, elles valent encore ce qu’elles coûtent à transporter sur les lieux où elles se consomment ; l’élévation du prix de transport peut rendre inefficace la médiocrité du prix de revient, et ces denrées, ainsi renchéries ; rencontrent sur le marche une consommation restreinte ou une concurrence invincible. C’est là ce qui explique l’ardeur passionnée qui, depuis quelques années pousse la France vers les travaux publics : tout le monde comprend que l’économie faite sur les frais de transport est un bénéfice net qui se partage entre les consommateurs et les producteurs. Sur ce point, les fermiers pensent comme les économistes, et les conseils municipaux ont agi comme les chambres législatives. Il ne faut pas, d’ailleurs, se méprendre à la fixité apparente de l’impôt direct. C’est un prélèvement obligé sur le revenu : si le revenu s’élève ou s’abaisse, ce prélèvement devient plus léger ou plus lourd ; la diminution des fermages et des loyers est bien plus onéreuse que quelques centimes additionnels. Nous ne voulons faire aucune allusion politique aux événemens qui ont changé la constitution de notre pays ; mais, sous le point de vue fiscal, est-il un seul contribuable qui ne voudrait pas reculer de deux années ? L’impôt direct est cependant le même en 1847 qu’en 1849 : il est vrai ; rien n’est changé pour le percepteur, mais tout est changé pour le contribuable.

Nous venons de voir quelle faible part ont eue les dépenses générales de l’état dans l’élévation des contributions directes. Pour compenser et au-delà cette faible part, il suffirait de citer la suppression du produit de la loterie et des jeux, suppression qui, au prix de 18 millions,

  1. En 1828, les frais de poursuite étaient de 3 fr. pour 1,000 fr. de recouvremens ; en 1847, ils n’étaient plus que de 1 fr. 96 cent. ; ils sont remontés à 3 fr. 50 cent, en 1848.
    En 1828, le retard dans la rentrée des douzièmes échus au 31 décembre était de 1 douzième 25 centièmes ; en 1847, ce retard n’était plus que de 0 douzième 87 centimes ; il est remonté à 1 douzième 76 centièmes en 1848.