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Mais qu’importe la légitimité des dépenses, si les ressources manquent pour les acquitter ? Or, n’est-il pas évident, dit-on, que la monarchie était à bout de voies, que son dernier budget présentait un déficit de 109 millions, déficit que les budgets suivans devaient reproduire et aggraver d’année en année ?

Rien n’est plus contraire à la raison et à l’équité que de choisir une année calamiteuse pour servir de base à l’appréciation d’une situation financière. Nous avons retracé plus haut les malheurs de cet exercice. Qu’on retranche de ce déficit toutes les dépenses imprévues qu’ont entraînées ces malheurs, et on le verra disparaître pièce à pièce. Pour juger des finances de la monarchie, nous avons suivi sans hésiter M. le ministre des finances sur le terrain qu’il avait choisi. Les années écoulées de 1840 à 1847 ont été les années les plus agitées et les plus dispendieuses du gouvernement de juillet ; sur ces huit années, ils ont supporté le poids d’une guerre imminente ou d’une paix armée, deux ont supporté le poids des inondations, d’une crise commerciale et de la famine. À quelle plus rude épreuve peuvent être mises les finances d’un pays ? Et cependant, ni son crédit, ni ses recettes n’ont failli ; il n’a contracté d’emprunt que pour ses grands travaux, et l’emprunt le plus favorable qui ait jamais été contracté en France date de cette époque[1]. Il n’a pas diminué d’un centime le fonds d’amortissement des rentes, dont le cours était inférieur au pair ; il n’a ni établi, ni aggravé aucun impôt, et, sauf ce reliquat de 13 millions, unique arriéré du dix-huit ans de règne, il lui a suffi, pour faire face à toutes ses charges, des réserves de l’amortissement, que l’affermissement de son crédit laissait disponibles entre ses mains. Si jamais les finances d’un pays n’ont subi une plus rude épreuve, jamais elles ne l’ont mieux supportée. Que ne devait-on pas attendre d’une année qui s’ouvrait sous de meilleurs auspices, lorsque le bienfait d’une abondante récolte soulageait déjà les misères privées, réduisait les dépenses publiques, et rendait aux divers emplois de l’activité commerciale les capitaux absorbés depuis dix-huit mois par les approvisionnemens d’urgence exigés par la disette !

Le gouvernement provisoire a pourtant condamné ces espérances ; les états de situation provisoire qu’il a publiés font ressortir, pour 1848, un découvert de 76 millions[2]. Nous pourrions accepter le chiffre

  1. Emprunt de 1848, contracté par M. Laplagne, en 3 pour 100, à 84 75.
  2. des motifs du budget rectifié de 1848. M. le ministre des finances dit, dans I exposé des motifs du budget de 1850, page 8, « qu’au moment où il fut voté, le budget de l’année 1848 admettait dans ses prévisions un découvert de 48 millions sur le service ordinaire. » C’est une erreur capitale. Le budget de 1848 a été voté avec un excédant de recettes de 9,296,340 francs pour le service ordinaire. Le chiffre de 4 8 millions donné par M. le ministre est celui du découvert résultant de tous les crédits supplémentaires et extraordinaires demandés ou prévus pour cet exercice. Ce découvert devait nécessairement être réduit par la liquidation des dépenses et par l’augmentation habituelle des recettes.