ne ressemblait pas toutefois à celle de tout le monde : les gens qui se livrent à l’art, sans être ni ces amateurs ridicules, ni ces artistes proprement dits, qui, par leurs prétentions et leur niaiserie, les autres par leur vie bohémienne, leurs instincts de pie voleuse et leur caractère de Pantalon, appellent la déconsidération sur eux ; — ceps gens-là se rencontrent, Dieu merci, mais ne se rencontrent pas à chaque instant.
William Simpton était un galant homme, ne se souvenant hors de son atelier qu’il était artiste qu’à la façon particulière dont l’affectaient soudain certaines formes du monde extérieur et certains mouvemens du monde caché. Il était avec les hommes franc, ouvert, plutôt bienveillant que malveillant ; toutefois il n’eût as fallu dans une discussion le contredire beaucoup plus long-temps que son père, feu le colonel Simpton. Vis-à-vis des femmes, il était d’une grande douceur, d’une grande sûreté et malheureusement pour lui d’une grande tendresse. Il avait une nature amoureuse. Il pensait sérieusement tout ce que d’autres disent par habitude et façon de parler. Ainsi il croyait que l’amour peut vraiment brûler le cœur d’une vraie flamme, il était convaincu qu’avec tout le sang de ses veines on ne paie pas assez chèrement la mystérieuse, l’idéale et pourtant la si réelle conquêtes de ces jolies fleurs vivantes auxquelles tant d’enchantemens sont attachés. Enfin, il était un jeu romanesque ; mais, s’il n’y avait pas de roman dans la vie, que ferions-nous de maintes choses charmantes, des vieux châteaux, par exemple, des chants d’oiseaux, du clair de lune et du printemps ?
C’est par un clair de lune et au mois de mai que commença le roman de William. On sait que le mois de mai est à Londres le mois mondain. Du reste, mois de mai, clair de lune et charme du monde ne se faisaient guère sentir dans l’endroit où sir William se trouvait le soir dont il est question. Cet endroit était une de ces tavernes chères au prince Henri quand il traînait encore la débauche après lui sous la forme ventrue de Falstaff. William, assis à l’écart, fumait sa pipe et buvait de la bière. Il goûtait d’abord ce plaisir compliqué que, les artistes trouvent dans les tavernes, les lieux où, grace à la pipe et au vin, il y a le plus de fumée et de rêverie, plus un autre plaisir encore qui me fait préférer le sort de ce bandit pour qui l’homme inventa la potence et la providence les vautours, à celui de cette jolie miss pour qui ont été créés la famille, le sourire, les tartines de pain et de beurre et les tasses de thé. William Simpton jouissait du plaisir d’être là où nul ne vous sait, nul ne vous cherche, où vous êtes allé sans savoir pourquoi. Il n’y avait qu’un instant il avait quitté sa famille ; il avait laissé ses deux sœurs et sa mère dans la clarté de la lampe, et il avait respiré cet air libre de la rue qui nous a fait pousser à tous, à certaines