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Elle offrait aux Poznaniens une bonne occasion de demander au souverain qui encourageait le patriotisme unitaire de l’Allemagne la garantie de la nationalité polonaise dans le duché de Posen. Un décret du 24 mars vint en effet leur donner l’espoir d’une réorganisation nationale. La tâche était grande, en vérité, si le gouvernement prussien eût consenti à l’envisager dans son étendue ; il avait bien des concessions à faire, s’il eût voulu réparer les atteintes portées par lui à la nationalité des Poznaniens depuis leur annexion à la Prusse. Quoique le duché de Posen n’eût pas subi de traitemens aussi amers que le royaume de la Gallicie, les institutions, la langue et l’esprit polonais y avaient été battus en brèche sous toutes les formes et à tous les instans.

À peine en effet, à la suite des premiers partages, les Prussiens étaient-ils établis à Posen, que le gouvernement représentatif, traditionnel en Pologne, disparut sous, un déluge d’employés allemands, et que le code national dut faire place aux lois du conquérant, appliquées par des magistrats allemands. Deux classes de la société avaient le dépôt des traditions et du patriotisme, le clergé catholique et la noblesse : le gouvernement prussien s’appliqua à ruiner l’influence de l’un et de l’autre. Les Poznaniens, contenus, mais non domptés, n’attendaient que l’occasion pour s’insurger contre la Prusse. Quand la monarchie prussienne fut brisée à Iéna, l’on vit renaître en un moment tous ces élémens de vie qui n’étaient point encore étouffés. En 1815, lorsqu’on agita au congrès de Vienne les conditions de la domination des Allemands et des Russes en Pologne, la Prusse fut obligée, comme la Russie, de tenir compte de ces forces, que le contact de la France avait ressuscitées dans le sein de la Poznanie. « Vous serez réunis à ma monarchie, dit le roi de Prusse aux Poznaniens, sans avoir à renier votre nationalité… Elle vous sera conservée comme preuve de mon estime pour vos efforts à la maintenir. » Consolantes paroles, si elles eussent été sincères ! La Prusse revint promptement à son premier système : le code fut de nouveau changé ; derechef les fonctionnaires furent enlevées aux Polonais et distribuées aux Allemands. Cela ne se pratiquait point comme en Russie, par violence, mais insensiblement avec une prudence redoutable pour la race polonaise. En 1830, le tribunal de première instance de Posen ne comptait plus qu’un seul juge capable de présenter un referat en polonais ; à Bromberg, tous les employés, jusqu’au crieur public, avaient été destitués ; enfin, le livre des hypothèques et tous les actes relatifs à la propriété étaient rédigés en allemand. Plus d’écoles supérieures, plus d’académie. Le roi n’était que grand-duc de Posen ; les Polonais ne prêtaient point serment au roi de Prusse, mais au grand-duc ils avaient une monnaie nationale, un drapeau. Tous ces signes extérieurs leur avaient été laissés en 1815 pour marquer leurs droits à une autonomie nationale