Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/981

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui s’offrait aux populations déçues de la Pozananie, et qui envenimant leur juste douleur, les poussait à la résistance armée.

La défense fit autant d’honneur à la bravoure polonaise qu’elle en fit peu aux armes prussiennes ; mais cette défense à forces si prodigieusement inégales ne pouvait pas être heureuse. Les Poznaniens, que la Prusse avait primitivement encouragé à s’organiser en garde civique, et qui plus tard avaient consenti à dissoudre leurs camps, conformément à la convention conclue avec le général Willisen, furent désarmés. La Poznanie, brisée dans cette lutte, retomba aux pieds de son ennemi, le germanisme, plus affaiblie et plus suspecte que jamais. Le germanisme au contraire, avec le temps, avait pris plus d’ambition et d’orgueil. Loin de se prêter à la réorganisation nationale du duché de Posen, il aspirait à lui faire subir l’injure d’un nouveau morcellement et à introduire la ville de Posen elle-même, comme une ville allemande, dans la confédération germanique. Francfort et Berlin ont rivalisé d’ardeur dans cette œuvre. Appelées par les fonctionnaires et la petite bourgeoisie germanique du duché avec lesquels les Juifs faisaient cause commune, la Prusse et l’assemblée nationale allemande ont couvert leur conduite du prétexte de la nationalité et du patriotisme Retournant ainsi contre la Pologne le principe même sur lequel elle s’appuyait pour demander l’autonomie de Posen, elles ont fait au duché la blessure la plus douloureuse qu’il eût encore ressentie depuis son incorporation à la monarchie prussienne. Les craintes vagues qui s’étaient mêlées aux espérances du parti conservateur polonais au milieu même de ces beaux jours où l’Allemagne fraternisait avec la Pologne, ces craintes étaient dépassées de beaucoup par l’événement. Dans deux lettres écrites de Berlin (26 avril), l’une à M d’Arnim, ministre, des affaires étrangères, l’autre à M. de Lamartine, membre du gouvernement provisoire, le prince Czartoryski, qui était allé à Berlin en pacificateur, fit l’aveu de son désenchantement. Il ne lui restait plus qu’à se retirer devant le revirement du germanisme ; en protestant contre le nouveau partage de la Pologne près de s’accomplir par la même main qui, quelques mois auparavant, promettait de la sauver.

La Poznanie a été forcée d’accepter le sort que lui faisait la violence. Réduite à suivre la route de la légalité et renfermée dans les limites d’une agitation purement constitutionnelle, elle n’a pas pourtant désespéré. Une ligue polonaise (liga Polska) s’est organisée dans l’intention de dérober aux envahissemens de l’administration et de l’esprit germaniques ce qui reste de la nationalité polonaise en Poznanie, de soutenir la foi patriotique des districts incorporés à l’Allemagne, d’entretenir sur tous les points l’union de la noblesse et des