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le prince Czartoryski, avaient pris le slavisme à cœur, et mêlé le nom de la Pologne à tout ce que les Slaves de l’Autriche rêvaient de liberté et de gloire à leur race. Les Polonais autoghthones, surtout ceux de la Gallicie, où l’on avait moins de liberté d’opinions et de mouvemens qu’à Posen, étaient entrés moins avant que l’émigration dans les projets du slavisme libéral : négligence un peu imprudente et dont ils sentaient bien l’inconvénient à l’heure où tout les invitait à s’unir avec les Tchèques et les Croates dans un commun effort contre le germanisme.

Cependant quelques rares patriotes de Gallicie avaient eu le mérite de pressentir cette situation. Parmi eux se distinguait le prince George Lubomirski, homme de sens et de sacrifice. Mêlé très jeune aux slavistes de l’université de Prague ; ayant fréquenté de bonne heure les principaux chefs du mouvement slave de la Hongrie, il avait pris goût à leurs doctrines, et s’était facilement laissé aller à leurs espérances. Je ne saurais préciser dans quelle mesure M. George Lubomirski croyait originairement le slavisme capable d’avancer les affaires de la Pologne : toujours est-il que l’idée d’une union étroite de la Pologne et des Slaves n’a point eu de partisan plus empressé que lui depuis la révolution de mars. Dans toutes les occasions où il s’est agi de concilier les intérêts de la Gallicie avec ceux de la Bohême et de la Croatie contre la prépondérance du germanisme de Vienne, le jeune patriote est intervenu avec une ardeur où il mettait tout le feu de la jeunesse, et dont ses compatriotes ne se souviennent point sans émotion.

M. George Lubomirski fut l’un des promoteurs et l’un des membres les plus influens du congrès de Prague, où les représentans de tous les pays slaves se rassemblèrent pour discuter l’intérêt général de leur race et régler les relations de la Gallicie, de la Bohème et de l’Illyrie entre elles et avec l’Autriche. De tous les points de l’Europe, on les vit se réunir auprès de la vieille université, leur mère, autour de leurs premiers maîtres, les patriarches du slavisme, Schaffarick et Palacki. Les Tchèques, sans être hostiles au gouvernement autrichien, montrèrent aux Polonais l’empressement le plus fraternel. La réaction du Tchèque contre l’Allemand était arrivée au plus haut point de vivacité, au moment où la Pologne venait donner la main à la Bohème dans le congrès de Prague. La Pologne n’avait rien à dire à cet égard pour être comprise ; sa juste animosité contre l’Allemagne était de beaucoup dépassée par les invectives des Tchèques contre les unitaires de Francfort. Les Croates et les Serbes, qui n’ont pas vu le germanisme d’aussi près que le Tchèques, ne st préoccupaient point aussi vivement que ceux-ci de batailler contre Francfort. Cependant ils regardaient comme l’un des principaux buts du congrès et de l’union qui devait en sortir, de détourner l’Autriche de toute liaison avec les promoteurs de l’idée