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sont fait jour dans le public, toutes les fausses appréciations qui ont été et qui sont journellement émises. J’aurais voulu pouvoir entrer dans d’autres détails, car il est à souhaiter que la marine soit plus connue de tous, afin d’être moins méconnue ; mais il fallait éviter d’employer des expressions, de décrire des détails qui eussent pu être inintelligibles, j’ai même évité autant que possible l’aridité des chiffres. Ce n’est point pour des marins que j’écris ; ils savent d’où viennent et ce que valent les appréciations qu’on a faites d’eux ; ils savent que le bon esprit des membres de l’enquête en fera justice, en a déjà fait justice. Qu’on se rappelle que par le mot marins j’entends toujours collectivement tous les fonctionnaires qui dépendent du ministère de la marine. J’écris pour les personnes étrangères à la marine, pour celles en grand nombre qui ont donné des marques non équivoques d’adhésion aux paroles qui sont tombées de la tribune, non-seulement dans ces derniers jours, mais plus anciennement encore, paroles qui se sont infiltrées dans le pays ; j’écris pour toutes les opinions, car la marine n’appartient à aucun parti ; elle aime l’ordre par métier, voilà sa profession de foi ; j’écris enfin pour le public, afin qu’il sache qu’il a une marine, et que cette marine n’est point tombée dans ce profond abaissement qu’on a osé proclamer. Je suis l’écho de ceux qui se sont voués à ce service souvent si ingrat, de ceux dont la susceptibilité a été si justement éveillée.

J’ai signalé le bien, c’était devoir et justice ; je n’ai fait qu’effleurer le mal, car je sais que les suggestions subalternes seront l’un des principaux écueils de l’enquête ; mais, on peut le proclamer, il faut, comme on l’a dit, porter la main sur l’administration, non pour la juger, mais pour l’améliorer pour la simplifier, pour l’émanciper. Il ne faut plus, par exemple, qu’on écrive de deux cents lieues à un ministre pour lui demander la permission de prêter un chaudron, ainsi que cela s’est vu tout récemment. Une semblable manière de faire est plus qu’absurde, elle est ridicule. C’est abaisser l’administration, quand on veut la relever. Qu’on la relève donc ; c’est ce qu’a fait Colbert, qu’on tient à imiter. Le temps doit être passé où les commissions du budget s’attachaient avec une méticuleuse préférence aux comptes de la marine. Leurs exigences ont eu pour résultat les budgets fictifs. Le moment est opportun pour profiter de la tendance à la décentralisation qui manifeste partout. C’est un beau champ pour la commission d’enquête

Ce ne sont pas toujours les bonnes institutions qui nous manquent ; c’est la force et la persévérance de nous y conformer. L’habitude de voir dans un gouvernement constitutionnel et surtout républicain tant de volontés diverses se substituer à volonté d’un seul passe tellement dans les mœurs, que l’autorité en souffre profondément.