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un principe qui a toujours réglé sa conduite, et qui lui rend facile dans certains momens la résignation, dans d’autres moment le concours. La famille d’Orléans reconnaît que la France a droit de disposer elle-même de sa souveraineté. Avouant ainsi la supériorité des droits de la nation sur les droits d’une famille, elle est à son aise pour concourir, par les services de ses jeunes princes, au maintien de la royauté de la branche aînée, si la France rappelle la branche aînée. Si la France, au contraire, croit devoir une seconde fois préférer la branche cadette à la branche aînée, la famille d’Orléans ne fera pas défaut à l’appel de la France. Si la France enfin croit devoir prolonger ou même consolider la présidence actuelle, la famille d’Orléans restera, par honneur de famille, en dehors de tout service effectif, et, par fidélité nationale en dehors de toute conspiration et de toute manœuvre. Toutes ces hypothèses ont pu et ont dû être abordées, nous n’en doutons pas, dans les conversations du roi Louis-Philippe, mais il y a deux hypothèses qui n’ont jamais été abordées, nous en sommes convaincus : la première, l’hypothèse d’une abdication pure et simple du roi Louis-Philippe ou de son petit-fils en face des droits du comte de Chambord ; c’est cependant de cette manière que beaucoup de personnes semblent entendre l’union des deux branches ; la seconde, l’hypothèse qu’aussitôt l’union signée et sur le vu du contrat, la France s’empresserait de relever la monarchie. Cette hypothèse-là serait une grande illusion ; car, de bonne foi, qui peut croire qu’aujourd’hui le seul obstacle au rétablissement de la monarchie légitime est la querelle des deux branches ? Nous avons énoncé toutes les hypothèses qu’aborde avec une admirable liberté d’esprit le roi Louis-Philippe, parce qu’aucune de ces hypothèses et la conduite qu’elle suppose ne sont contraires à la vieille doctrine de la maison d’Orléans La maison d’Orléans est décidée à rester la maison d’Orléans, et par conséquent à respecter sincèrement les droits de la souveraineté du pays. Il n’y aura jamais dans son sein un prétendant quand même, pas plus en face du comte de Chambord, rappelé par la France, qu’en face du président de la république, confirmé aussi et consolidé par la France.

Qu’on ne fasse donc pas d’une étroite union entre les deux branches de la maison de Bourbon un sujet de zizanie dans la majorité. L’union des deux branches est ce qu’elle était il y a deux mois, inévitable, et par conséquent faite le lendemain de l’établissement de la monarchie bourbonienne, inutile et indifférente la veille, sauf qu’elle témoigne des bons sentimens qui existent de deux côtés ; mais ces bons sentimens, encore un coup, ne peuvent avoir leur effet que le lendemain de l’événement, et quand la France aura parlé.

On doit comprendre maintenant pourquoi nous avons trouvé de l’à-propos dans la déclaration du président, qu’il ne songeait pas à copier mesquinement le passé. Il écarte par ce mot l’idée de sa candidature impériale, et, en écartant la candidature, il écarte du même coup toutes les autres. Nous vivions depuis quelque temps entourés de fantômes et d’ombres qui voulaient devenir des êtres, disait-on : fantôme de l’empire, fantôme de 1814, fantôme de 1830. Toutes ces apparitions troublaient l’esprit public, et nous sommes persuadés qu’on n’a tant parlé depuis quelques jours de l’union des deux branches et de la monarchie, qui s’en allaient renaître, que parce qu’on parlait beaucoup de l’empire, comme on ne parlait tant de l’empire que parce qu’on parlait beaucoup