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dans les rangs du centre et de la droite. Un discours de M. de Bismark, discours éloquent, chevaleresque, mais beaucoup trop empreint de l’esprit féodal, n’était pas de nature à ramener les dissidens. « Je suis de la Marche de Brandebourg, — s’écriait en finissant M. de Bismark, — je suis du sol même où la monarchie prussienne a été bâtie et cimentée avec le sang de nos pères ; cette raison me suffit pour ne pas vouloir que mon roi devienne le vassal de M. Simon. » Nobles et touchantes paroles, argumentation médiocre ; c’est ce que M. de Wincke appelle des raisons d’avant le déluge. Tous les députés de la seconde chambre n’étaient pas nés dans la Marche de Brandebourg, on le vit trop au moment du scrutin. La proposition Rodbertus contenait trois articles distincts ; les deux premiers blâmaient la politique du ministère dans la question de l’unité, et condamnaient toute espèce de pacte formé entre les souverains comme contraire aux vœux et aux espérances du pays ; le troisième ordonnait au ministère de reconnaître la constitution de Francfort, telle qu’elle avait été faite après la seconde lecture, et de n’en poursuivre la révision que par les moyens indiqués dans la constitution même. Les deux premiers articles furent rejetés ; le troisième obtint une majorité de 16 voix.

Enhardie par cette victoire, la gauche devenait chaque jour plus menaçante. Elle sentait que l’attitude du ministère Brandenbourg lui fournissait des alliés parmi les libéraux de 1847 ; il fallait seulement profiter de l’occasion et frapper coup sur coup. Arès la proposition Rodbertus, ce fut la proposition Waldeck. M. Waldeck demandait la levée de l’état de siége établi à Berlin depuis le 12 novembre. Deux séances (15 et 26 avril) furent consacrées à cette discussion, que l’audace de MM. Waldeck, d’Ester, Unruh, etc., remplit d’irritations et d’orages. L’antipathie qu’excitait le ministère enchaîna les libéraux aux démagogues, comme à Francfort la haine de l’Autriche livrait M. Dahlmann à M. Vogt. Le 26 avril, les deux articles de la proposition Waldeck furent votés malgré tous les efforts de la droite : 1° « La prolongation de l’état de siège sans l’assentiment des chambres est illégale ; » 184 voix contre 139 adoptèrent cette rédaction. 2° « La chambre enjoint au ministère de lever immédiatement l’état de siége ; » la majorité, moins forte pour ce second point, était encore très redoutable : 153 voix avaient défendu le ministère, et 177 l’avaient condamné. Décidément, les hommes de coup de main, les chefs des insurgés d’octobre et de novembre reprenaient au sein du parlement l’avantage qu’ils avaient perdu devant les baïonnettes du général Wrangel. C’était contre eux qu’on avait décrété l’état de siége, et voilà qu’ils s’emparaient de la chambre pour briser légalement l’arme de la société et de l’ordre dans les mains du pouvoir. Cette situation ne pouvait durer ; dès le lendemain 27 avril, la première chambre était prorogée, et la