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connu de la dépense et le chiffre connu de la recette, vous aurez débarrassé le pays de la lèpre de l’agiotage, vous aurez créé sur le marché la véritable valeur industrielle.

Nous croyons donc qu’à l’avenir, c’est par le forfait qu’on doit procéder pour la construction et l’exploitation des lignes de fer. Le forfait est une idée qui a eu bien de la peine à s’acclimater chez nous ; cependant elle y a fait quelque chemin. Le forfait, c’est la simplification, c’est le connu, tandis que jusqu’à présent les hommes de bourse ont cherché les idées complexes, le vague, presque l’inconnu. Dira-t-on que le forfait n’offre pas une garantie suffisante ? La logique répond que, quand on est en présence d’hommes qui ont l’honneur de leur nom, leur réputation d’habileté, leur cautionnement, leur fortune à défendre, on a déjà bien des garanties, et que si, par hasard, ces hommes succombent à la peine, ce ne seront pas des circonstances vulgaires qui auront entraîné leur chute. : Choisissez des forfaiteurs capables et honorables, exigez un cautionnement, et lors même qu’ils ne pourraient pas mener à bonne fin leur œuvre, la compagnie n’y aurait rien perdu. Dira-t-on que les travaux seront moins bien faits ? Le bon sens répond encore que le cahier des charges et les formalités consenties s’y opposent, que ce n’est qu’après la réception des travaux que les paiemens sont effectués. Dira-t-on qu’on ne trouvera pas de forfaiteurs ? Le ministre des travaux publics, en fouillant ses cartons, répondrait pour nous.

Ces principes admis, l’affaire du chemin de fer de Paris à Avignon doit, suivant nous, être concédée à une compagnie financière réunissant un capital de 260 millions et non 240, parce qu’il faut que la traversée de Lyon fasse, dans l’intérêt de l’état, partie de la concession. Cette compagnie doit s’appuyer sur deux sociétés de forfaiteurs, l’une devant se charger de la construction du chemin, l’autre de son exploitation. Les forfaiteurs qui se chargeront de la construction du chemin devront s’obliger à l’exécuter sur les plans et devis et dans les délais acceptés par la compagnie ; comme garantie, ils devront déposer un cautionnement de 15 millions ; nous présumons que les forfaiteurs pourraient se charger de cette construction pour 250 millions. Les forfaiteurs qui se chargeront de l’exploitation se soumettront à tous les tarifs acceptés par la compagnie, ils devront déposer un cautionnement de 4 millions ; nous croyons qu’ils pourraient affermer le chemin pour quinze ou vingt ans à raison de 17 millions par an.

Il serait à désirer que le gouvernement traitât lui-même avec les forfaiteurs chargés de la construction du chemin, et que la compagnie traitât avec les forfaiteurs chargés de l’exploitation : par le seul fait qu’il s’agit d’une idée neuve ou du moins appliquée pour la première fois à une grande opération, il serait bon que le gouvernement en fit son affaire personnelle. Nous demanderions encore à l’état, comme condition essentielle et indispensable, de payer l’intérêt de 5 pour 100 sur le capital effectivement déboursé par la compagnie, soit, que le forfait fût garanti par lui ou par elle. Si c’est lui qui le garantit, avant que cette garantie eût son effet, il faudrait que les forfaiteurs eussent succombé ; si c’est la compagnie, la garantie ne serait effective que si les forfaiteurs et la compagnie succombaient également. Or peut-on admettre cette supposition ? Dans ces conditions, une compagnie réunira véritablement ses capitaux ; elle n’offrira plus un minimum probable de 5 pour 100 d’intérêt ; elle offrira d’une