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sabre et la domination des brutes. » On voit que les sages conseils et les prédictions infaillibles ne manquèrent jamais aux peuples ivres de leur souveraineté, et ne les ont jamais empêchés de faire des sottises et de commettre des crimes.

Les discours de Rudyard et de Whitelocke n’eurent donc aucune influence sur le parlement. Un loyaliste, sir Henry Killigrew, qui avait voulu rester à la chambre des communes jusqu’au bout, leur adressa les seules paroles qui pussent aller à un auditoire si têtu. On lui demanda ce qu’il pensait de « la bonne cause, » comme cela s’appelait en jargon parlementaire : « Je pense, répondit-il, que, lorsque je verrai le moment venu, je me procurerai un bon cheval, une bonne cotte de buffle, une bonne paire de pistolets, et alors je ne ferai point de question, mais je saurai trouver une bonne cause. » Voilà le tempérament du plus grand nombre des cavaliers. Une fois la guerre déclarée, ils ne pensèrent plus qu’à trouver de bons chevaux, de bonnes armes, de bons équipemens pour eux et pour leurs tenanciers. Les riches firent des levées à leurs frais, les pauvres apportèrent leur courage et leur épée, et tous, électrisés par la martiale ardeur de Rupert, ne demandèrent plus qu’à se mesurer avec l’ennemi.

Cet ennemi les appelait eux-mêmes les malignans ; il n’y avait sorte d’accusations d’impiété, de débauche, de brigandage, que le puritanisme ne leur envoyât. Ces imputations ont laissé leur rouille sur la mémoire des cavaliers ; parce que ces vaillans hommes étaient élégans ou bons vivans, il a coulé de source qu’ils avaient le monopole de tous les vices. C’est faux. Il y avait sans doute parmi les cavaliers des hommes de mœurs faciles et molles comme le brillant marquis de Newcastle, qui commanda les forces royales dans le nord de l’Angleterre. C’était un grand seigneur poli, lettré, luxueux, sensuel ; mais il quitta noblement la vie de plaisir dont il jouissait au milieu d’une fortune immense, et à laquelle rien autre ne l’aurait pu arracher, lorsqu’il vit le roi dans le malheur, déserté par un trop grand nombre de ceux qu’il avait obligés. Il y avait des flatteurs et des intrigans de cour, comme lord Digby ; ce fut le dernier et le plus fatal des favoris de Charles ; il réunissait, dit M. Warburton, la grace et l’inquiétude de Buckingham, l’éloquence et l’humeur impérieuse de Strafford, l’esprit d’intrigue et l’incompétence militaire d’Hamilton ; il devint l’amer ennemi de Rupert. Il y avait des hommes corrompus à fond qui cachaient toutes les trahisons sous toutes les graces, comme lord Goring, si séduisant, que Clarendon a écrit qu’il ne pouvait y avoir de honte à l’aimer ou à se laisser tromper par lui, si vicieux, que Saint-Simon n’aurait pas manqué de l’appeler le plus solidement malhonnête homme de son siècle. Il y avait des rufians, comme le colonel Lunsford et ces officiers de fortune qui avaient apporté du continent toutes les licences de la