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combattait entre sa femme et sa sœur ; la jeune princesse aperçoit dans la mêlée un jeune homme d’une admirable beauté qui se battait comme un lion. Ce n’était qu’un simple gentilhomme nommé Morasky. Au sortir du combat, la belle Radziwil lui donne sa main et ses richesses. Ce charme romanesque, mélange de grace et de force n’appartient qu’aux femmes polonaises, et, s’il est vrai que leur influence politique ait contribué aux malheurs de leur pays, il était difficile de le faire tomber dans un piége plus attrayant.

La couleur exclusivement catholique donnée à la confédération de. Bar devait amener un antagonisme inévitable dans une contrée sillonnée de sectes ennemis et diverses. On avait voulu une guerre de religion, on l’eut dans toute son antique horreur. Désignés à la vindicte publique, les dissidens s’armèrent à leur tour. La réponse des grecs non unis aux manifestes des confédérés ne se fit pas long-temps attendre. En Volhynie, en Podolie, dans le palatinat de Kiovie, on voyait marcher prêtres contre prêtres, la croix grecque contre la croix latine, et les paysans ukrainiens massacraient leurs seigneurs, tandis que ceux de la grande Pologne criaient : Mort aux schismatiques ! Partout s’exerçaient des représailles ; la Pologne nageait dans le sang.

Alors la déchéance de Stanislas-Auguste fut décidée par les chefs les plus influens, et pourtant, pendant tout son règne, ce moment fut le seul où Poniatowski montra une apparence de royauté. Pressé par Repnin de marcher contre les confédérés, il s’y refusa absolument, garda la neutralité, et à toutes les menaces opposa l’inertie, cette force invincible des ames faibles. S’ils avaient eu l’ombre d’une idée de gouvernement, si le démon de l’anarchie ne s’était pas attaché tout entier à sa proie, au lieu de proscrire Poniatowki, les confédérés se seraient joints à lui, ils l’auraient encouragé dans sa résistance. Peut-être la Pologne aurait-elle fixé ainsi ses destinées ; mais ce bonheur ne lui était pas réservé. Ce n’est ni à Bar ni même à Varsovie, c’est à Constantinople qu’était renfermé le secret de son avenir, c’est là du moins que Choiseul l’avait placé.

L’année 1767 s’était passée tout entière en efforts impuissans. M. de Vergennes, ambassadeur de France, pour éveiller la jalousie des Turcs contre la Russie, était vainement efforcé d’appeler leur attention sur la ligue du Nord ; cet intérêt leur semblait trop étranger à ceux de la Porte ottomane. Vainement, pour les frapper par une crainte plus rapprochée, il leur montrait le Gurgistan soulevé, des commissaires parcourant la Servie, le Monténégro, le Péloponèse, — toutes les sympathies de la nationalité slave et du rite oriental Secrètement attirées vers un peuple coreligionnaire ; ni la révolte des Géorgiens, ni les mouvemens des Monténégrins, ni les sourdes agitations de la Grèce, ni les discordes de la Pologne, ne purent secouer la torpeur des Ottomans.