Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/279

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tentes. Un tel langage ne pouvait que les encourager à se jeter dans les bras de l’Autriche. On fit plus : pour maîtriser le conseil général des confédérés et l’annuler au besoin, la généralité (c’est ainsi n’on appelait ce conseil) fut invitée à s’établir en Hongrie. C’était la reconnaître ; aussi, dès que le bruit de cette invitation se fut répandu parmi les Polonais, ils en poussèrent des cris de joie ; ils s’imaginèrent qu’ils étaient publiquement soutenus par l’Autriche et se crurent sauvés. La généralité quitta Biala pour Eperies. Joseph II vint y voir les chefs de la confédération, les assura de sa protection, et leur recommanda surtout de ne pas se laisser prendre aux promesses de la France.

Frédéric, de son côté, ne perdit pas de temps. Jusqu’alors il s’était borné à intimider les magnats de la Prusse polonaise et à les empêcher de se joindre aux confédérés ; les laissant dans l’incertitude de ses desseins il s’était contenté de faire battre la campagne par ses troupes sur la frontière ; il avait donné à ces excursions partielles un motif exclusivement fiscal. Les confédérés n’osaient pas approcher de plus de quatre milles des limites gardées par les troupes prussiennes, et toute la noblesse de la Prusse polonaise, cantonnée dans ses châteaux, ne se permettait ni une opinion ni un mouvement. Le magistrat (municipalité) de Dantzik fit plus : sommé par les patriotes de se joindre aux confédérés, il s’y refusa. Rien n’était comparable à l’état de gêne et d’anxiété dans lequel Frédéric avait tenu jusqu’alors la partie de la Pologne limitrophe de ses états. Dans ce moment, il hasarda quelque chose de plus. Comme pour accoutumer l’opinion à la prise de possession de Dantzik, il y fit entrer mille hommes, puis il les retira précipitamment et désavoua le général qui les conduisait. Ensuite, le grand encombrement de troupes qui occupaient la Pologne ayant amené une contagion, Frédéric déclara que c’était la peste, et établit un cordon de troupes sur la frontière. C’est à cette date qu’il faut rapporter la première métamorphose des cordons sanitaires en armées d’observation. Frédéric fut l’auteur primitif de cet expédient si souvent employé depuis. Thiéhault raconte qu’à cette nouvelle Berlin se crut pestiférée, et que la ville entière se munit de vinaigre des quatre voleurs.

Tout s’était passé jusqu’alors entre Joseph et Frédéric : le prince de Kaunitz n’avait pas assisté aux conférences de Neiss ; mais la position du chancelier était trop prépondérante et l’influence de l’empereur trop nouvelle, trop dépendante de sa mère et même du ministère, pour que celui-ci restât étranger à la négociation au moment où elle allait devenir vraiment importante. C’est à lui qu’il appartenait désormais de la conduire : Marie-Thérèse l’exigea, Kaunitz le voulait, l’empereur y consentit. On l’a vu plus haut, c’était une tactique. Kaunitz accompagna Joseph dans la seconde entrevue concertée entre lui et le roi de