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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/335

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« La vie est réelle ! la vie est sérieuse ! le tombeau n’est pas sa fin ; ce n’est pas de l’ame qu’il a été dit : Tu es poussière, tu retourneras en poussière.

« Ce n’est point la joie, ce n’est point la douleur qui sont notre destination ici-bas. Notre tâche est d’agir, afin que chaque matin nous trouve un peu plus avancés que la veille.

« L’art est long, le temps est rapide, et nos cœurs, bien que droits et braves, sourdement, comme des tambours couverts d’un crêpe, battent des marches funéraires jusqu’à la tombe.

« Dans le large champ de bataille du monde, ne sois pas semblable aux muets troupeaux ; sois un héros dans la lutte.

« Ne te confie pas à l’avenir, bien qu’il te semble charmant ; laisse le passé ensevelir ses morts. Agis dans le présent d’où coule la vie. Tu as en toi-même un cœur et Dieu au-dessus de ta tête.

« La vie, des grands hommes nous apprend que nous pouvons rendre nos existence sublimes, et, en partant, laisser par derrière nous des traces dans les sables du temps,

« Des empreintes dont la vue peut-être un jour ranimera le courage dans le cœur d’un frère abandonné et naufragé. »


Évidemment ces vers, pleins de bonnes intentions, courageux, stoïques même, ont été écrits après une lecture d’Emerson, dont ils résument toute la philosophie en l’énervant et en l’affaiblissant ; mais tel n’est pas le ton habituel des poésies de M. Longfellow. Il y a là une douceur qui ne s’épuise jamais, une mélancolie pleine de persistance. Les mêmes tendres et flottantes images, les mêmes expressions reviennent à chaque instant ; ce sont toujours les clairs de lune, les étoiles, le son des cloches et les voix gémissantes. Il y a dans tous ses vers je ne sais quel quiétisme poétique qui berce et charme un moment, mais qui paraît bientôt factice. La pensée se perd dans la musique, et la musique finit ensuite par se perdre dans je ne sais quel murmure monotone. En sortant de la lecture de ces livres, on se réveille comme d’une longue rêverie au bord de l’eau ; on a vu passer sous ses yeux des flots transparens et limpides, et l’on se lève en se disant que rien ne vaut le sentiment de la vie réelle, avec son activité et ses détails infinis et changeans.

M. Longfellow, Suédois d’origine, a surtout le défaut que je reprochais à la littérature américaine en général. Cela ressemble à la littérature d’un émigré. Il est plein d’admiration pour le poète suédois Isaïe Tégner, et il paraît l’imiter beaucoup. Il a traduit des poésies de toutes les contrées ; la moitié de ses poésies sont des traductions. M. Longfellow semble peu s’attacher au public, qui l’entoure. Il vit dans un pays protestant, et il traduit les sonnets, les tercets des poètes catholiques, de Lope de Véga, de Francisco de Aldana, de Dante ; il vit dans un pays de commerçans et de démocrates, et il traduit les chevaleresques poésies d’Uhland et de Schiller. Tous ses livres sont