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le langage des halles : Voilà donc où vient aboutir, à travers Roullin et Fontanes, la société de Louis XIV et de Racine ! Et cette instruction populaire, objet, il n’y a pas long-temps encore, de tant d’espérances et d’orgueil, n’en sommes-nous pas réduits à douter si elle est un bien ? L’état, cet état qu’on accuse de n’avoir rien fait pour le peuple, s’était mis courageusement à l’œuvre pour faire pénétrer les lumières dans le fond des villages les plus reculés. Il élevait dans ce dessein, à ses frais, une pépinière de jeunes maîtres. Il est arrivé qu’il avait enseigné les populations juste à temps pour leur permettre de lire des appels aux armes. Ces distributeurs de connaissances qu’il avait établis d’étape en étape se sont trouvés comme autant de pionniers révolution flaires. Ces soins pacifiques de l’intelligence ont tourné en soif de violence et en surexcitation des plus basses passions matérielles. O vanité des efforts humains ! ô désespoir de la civilisation !

Si quelqu’un pouvait ne pas être trop accablé d’un tel résultat, ce devrait être l’auteur de la loi nouvelle, que la France regrette si vivement de voir aujourd’hui sortir momentanément du pouvoir. La nature bien connue de ses convictions le préserve d’un découragement excessif. Où la Philosophie la plus généreuse ne trouve plus de remède, la foi chrétienne conserve encore des espérances. Le mal d’ailleurs, le grand mal de la nature humaine, déconcerte le philosophie : il afflige le chrétien sans le surprendre. Si l’instruction raffinée, si la civilisation presque excessive de la France l’ont conduite jusqu’aux portes de la barbarie, M. de Falloux n’est pas embarrassé sans doute, de nous en donner l’explication. À ses yeux, c’est que le sentiment religieux a disparu à mesure que l’intelligence se développait. Si l’instruction primaire a servi de propagande à l’esprit de révolte, c’est qu’elle a négligé de se présenter sous les auspices de la religion. Depuis l’Eden jusqu’aujourd’hui, depuis le riche jusqu’au pauvre, la raison, sans Dieu, n’engendre que l’orgueil et le mal. Il y a un véritable soulagement de nos jours plus que jamais, dans la profession sincère d’une telle doctrine. Elle seule peut nous sauver d’un découragement sceptique de toute entreprise généreuse. À ces nobles sentimens, M. de Falloux joint une conviction plus rare peut-être encore par le temps qui court : il a foi dans la liberté. Il espère que la conscience des pères de famille les guidera mieux dans le libre choix des maîtres de leurs enfans, que le monopole universitaire de l’état n’a pu faire jusqu’ici. La loi qu’il propose est avant tout, et quoi qu’on en dise, malgré quelque confusion de principes, une loi de liberté d’enseignement.

Nous admirons sincèrement cette confiance, et nous sommes prêt à lui laisser libre cours. Que la liberté d’enseignement fasse tout le bien qu’on s’en promet, c’est ce que nous n’osons pas affirmer. À coup sûr, elle ne fera pas pis que le monopole, tel que nous l’avons, n’a sinon