son siècle, qu’elle fut l’amie et la camarade de lit de la courtisane Ninon de Lenclos, et que celle-ci, dans une lettre inédite à Saint-Evremond[1], ce bel esprit qui fit, à si bon marché, la gloire héritière de ses plaisirs et de sa paresse, écrivait ces mots qui sont pour faire venir la chair de poule aux admirateurs de Mme de Maintenon :
« …Je n’ai rien dit ni voulu dire au bon petit bibliothécaire : on doit parler le moins possible de ces sortes de choses. Les temps sont venus où j’ai tout oublié, hors mes amis. Jugez, après cela, si j’ai été étonnée de vos nouvelles questions. À quoi songez-vous d’oublier qu’il me faut lire en lunettes ces histoires d’amour ? Que vous seriez sage si vous vous en teniez à votre Angleterre et un peu à l’amitié que vous me devez, dont je suis digne par l’attachement que je vous porte ! S. était mon ami ; sa femme m’a donné mille plaisirs par sa conversation, et, dans le temps, je l’ai trouvée trop gauche pour l’amour. Quant aux détails, je ne sais rien, je n’ai rien vu ; mais je lui ai prêté souvent ma chambre jaune, à elle et à Villarceaux… »
Tandis que, retirée à la campagne chez Mme de Montchevreuil, la cousine de Villarceaux, la veuve de Scarron jouissait des paysages imprégnés du silence, de la douce paix, de la suave religion des champs, Villarceaux, grand débauché de corps, de cœur et d’esprit, la faisait peindre, sortant du bain, le déshabillé de la Genèse, et l’insultait ainsi à son insu. Elle l’apprit, et en fut déchirée de désespoir « Même dans les choses malhonnêtes, il y a de l’honnêteté à observer, » dit Mme de Sévigné à propos des procédés de son fils envers Ninon. La moderne Leontium elle-même, qui du moins portait un cœur d’honnête homme, eût vu là autre chose qu’une espièglerie du grand monde. Quand on a tant de dignité, tant d’orgueil, une soif si ardente de considération et d’estime que l’avait Mme de Maintenon, aimât-on la sagesse moins pour son prix que pour la gloire de l’avoir fait triompher, — on commence toujours par n’agir que de façon à s’estimer soi-même. J’ajouterai que, si l’on a pu dire des femmes en général que celles qui jouent avec l’amour sont comme les enfans qui jouent avec des couteaux et finissent toujours par se blesser, il est également vrai que les caractères si personnels, si froidement orgueilleux, n’ont point l’ame ouverte aux affections et ne sont susceptibles ni de surprise de la sensibilité ni de surprise des sens. Mme Scarron était femme à ne point fuir le tête-à-tête, parce qu’il y avait pour sa gloire une satisfaction de haut goût à l’avoir bravé.
Mais c’en est assez à propos du bout de nez plus ou moins exact d’un portrait. Cependant quel est le coupable ? Serait-ce tout simplement le temps, qui outrage d’une façon si cruelle la beauté, et qui, s’attaquant entre autres à l’un des traits de Mme de Maintenon, de vingt-cinq à soixante ans, a pu, comme on en a tant d’exemples, affaisser le cartilage du nez, et, d’un nez relevé, faire un nez aquilin ? Serait-ce alors, et volontiers j’inclinerais à le croire, que Giffart, dont le type a été le même que celui de Petitot, aurait un peu forcé les traits de son image de thèse pour mettre l’effigie de niveau avec l’age de son modèle ?
- ↑ Cabinet de l’auteur Ninon signe Lanclos. Les derniers mots de sa lettre avaient transpiré. On en niait l’authenticité, parce qu’on n’en connaissait pas la source.