des émigrans, un million d’émigrans, d’après les lois de mortalité, représente au moins deux millions de naissances, et plus on élèvera l’âge moyen des émigrans, plus on accroîtra le chiffre des naissances nécessaires pour produire un million d’émigrans.
Nous avons pris l’Angleterre pour exemple, parce que nous avions la statistique officielle de l’émigration anglaise ; mais le même raisonnement est applicable à la France, qui alimente, elle aussi, une émigration sur laquelle manquent des renseignemens précis. Nous savons seulement que certains départemens, par exemple les Landes et les Basses-Pyrénées, perdent, par l’émigration à l’étranger, l’équivalent au moins de l’excédant annuel des naissances sur les décès. Notre but n’est pas, d’ailleurs, de déterminer l’étendue de cette émigration, mais de démontrer que M. Carey, en se bornant à comparer les chiffres de recensement décennaux sans tenir aucun compte de l’émigration européenne est arrivé à des résultats qui n’ont aucune valeur pour la thèse qu’il soutenait. Il lui est trop facile, en procédant comme il l’a fait, de prouver qu’aux États-Unis la population croît beaucoup plus vite qu’en aucun pays d’Europe. S’il avait restitué à l’Angleterre ce que l’émigration lui enlève, il aurait vu que la fécondité américaine ne dépasse de beaucoup la fécondité anglaise. En outre, si M. Carey, au lieu de prendre cette fois les États-Unis en masse, avait pris quelqu’un des états du nord, il aurait vu qu’il y a dix ans la population anglaise, malgré l’émigration, croissait, à de chose près, dans la même proportion que la population du Massachusetts. Que deviennent, après cela, les conclusions de M. Carey ? Si la ruine de ses calculs entraîne la ruine de ses raisonnemens, la faute en est à sa méthode, que nous croyons assez nouvelle en économie politique.
Nous venons de voir quel est le rôle considérable de l’immigration européenne dans le développement numérique de la population des États-Unis ; recherchons maintenant quelle en est l’influence matérielle et morale. On nous permettra de mettre immédiatement hors de cause l’émigration française, qui n’a été recrutée long-temps que par la politique. Les émigrans français, qui se dirigent à peu près exclusivement vers New-York ou la Nouvelle-Orléans, appartiennent presque tous aux professions libérales ou aux carrières artistiques ; on ne peut donc pas dire que leur présence contribue à abaisser le niveau intellectuel du pays. Ils sont loin en même temps d’être une charge pour leur nouvelle patrie ; nous n’en voulons d’autre preuve que les faibles sommes dépensées par la société française de New-York pour subvenir aux besoins des Français malades, infirmes ou indigens. Les dépenses de cette société n’ont point atteint, l’an dernier, la moitié de ses recettes. L’émigration italienne est à peu près dans la même situation que l’émigration française.
Restent trois émigrations, les seules, à vrai dire, qui atteignent un