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reçoit un coup qui se communique à leur force matérielle. Dénuée de la sanction religieuse, l’idée de pouvoir s’énerve. Découronnée de son auréole divine, l’image même de la patrie pâlit et se décolore. Et cependant la liberté des cultes est une des conquêtes inviolables de la conscience humaine, elle n’y laissera pas toucher. C’est donc là une des mille faces de l’un des plus grands problèmes que la Providence semble avoir posés pour tourmenter nos esprits, et dont elle réserve, espérons-le, la solution à nos enfans. Cette solution n’est pas impossible à imaginer ; Il n’est pas impossible de se figurer une société où la religion, sans emprunter aux lois aucune force apparente pendant aurait cependant un tel empire sur les cœurs, qu’instinctivement et par la volonté toute-puissante des majorités, tous ses actes, même politiques, en porteraient le caractère Comme une nation sincèrement animée d’un esprit libéral imprime à la monarchie entière de son gouvernement le respect de la vraie liberté une nation vivement touchée des vérités religieuses ne pourrait rien dire ni rien faire, où l’inspiration religieuse, débordant en quelque sorte, ne se fît aussitôt sentir. Son enseignement officiel se trouverait ainsi naturellement retrempé dans ces eaux salutaires. Il serait religieux sans effort, parce que l’atmosphère autour de lui respirerait la religion, et qu’il en sortirait pour ainsi dire tout imprégné. Ce ne serait plus la religion d’état, ce serait mieux, ce serait la religion populaire. Quelque chose de pareil éclate déjà dans cette république des États-Unis, où il faut bien aller chercher plus d’un modèle ; là, au sein d’une liberté des cultes presque exagérée, toutes les lois portent l’empreinte du respect pour la vérité évangélique. Les cultes les plus opposés s’y prêtent ; une ferveur commune unit des convictions différentes. Aucun spectacle plus beau ne peut être donné au monde et il Dieu, car si le culte d’un être libre est déjà par lui-même l’hommage le plus agréable au Créateur du monde, celui d’une nation maîtresse d’elle-même, humiliant sa souveraineté devant celle qui fait les empires, doit réjouir toutes les puissances du ciel.

À dire le vrai, l’avenir de la civilisation européenne dépend, à nos yeux, de la question de savoir si les convictions religieuses pourront y redevenir ferventes et populaires au sein d’une complète liberté de conscience. L’Europe est loin d’un pareil état, et si elle est destinée à l’obtenir, c’est par un enfantement pénible ; plus d’une nation périra dans ses douleurs. Après tout pourtant, il ne devrait pas être plus difficile à l’Evangile de convertir les peuples du sein de la liberté sous le feu de la persécution, de secouer la torpeur de l’indifférence que de purifier les souillures du paganisme. L’état ne peut pas grand’ chose pour aider la religion dans cette œuvre, et, en attendant qu’elle l’ait accomplie, sa tâche à lui, singulièrement difficile, ne doit pourtant pas être interrompue. En donnant sa démission de