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se taxe en quelque sorte soi-même ; mais pour n’être pas senties, pour ne pas devenir odieuses, pour ne pas allumer la flamme de la sédition parmi les contribuables, il faut que ces taxes soient très modérées. Pour peu qu’elles gênent les goûts ou qu’elles contrarient les habitudes, il vaudrait mieux y renoncer. Ce n’est pas leur nature assurément, c’est l’abus que l’on en a fait qui les a rendues impopulaires.

Au reste, il paraît maintenant superflu de débattre, comme en champ clos, les mérites respectifs de l’impôt direct et de l’impôt indirect, puisque nous avons besoin de l’un et de l’autre. Comment tirer d’une seule forme de taxe, quelque féconde qu’elle soit, les 13 ou 1,400 millions qui, dans un temps régulier, composent le revenu de l’état ? Il faudrait pour cela revenir aux budgets du roi Dagobert. Peut-on demander 1,300 millions a l’impôt direct, quand le revenu net des propriétaires fonciers n’atteint pas 2 milliard en France, 2 milliards dont nous avons à déduire 5 à 600 millions pour l’intérêt des créances hypothécaires ? Est-ce l’Angleterre qui convertira tous ses impôts en une taxe établie sur les propriétaires du sol, elle dont le revenu foncier, estimé à 30 millions sterling, est à peine supérieur à l’intérêt de sa dette inscrite, et qui dépense annuellement près de 50 millions ster. Tant que les peuples civilisés entretiendront des armées permanentes et tant qu’ils auront des intérêts nombreux à administrer, un gouvernement à faire respecter, une police à maintenir, des routes, des écoles, des prisons et des hospices à entretenir sans parler de la sollicitude que réclament l’agriculture, le commerce et l’industrie, la nécessité des gros budgets restera démontrée, quelque économie que l’on emploie et quelque système d’administration que l’on suive. Or, plus les dépenses de l’état sont considérables, plus on est conduit à multiplier et à diversifier les formes de l’impôt. Vauban lui-même rend hommage à cette loi des faits sociaux dans son projet de la Dîme royale, car, sous le nom de la dîme royale et sous couvert de l’impôt unique, il cache quatre ou cinq différentes sortes d’impôts : il admet la taxe du sel, les aides ou impôts indirects, les douanes et même la patente, et des 117 millions auxquels il porte le revenu public, la dîme des fruits de la terre n’en doit rendre que 60. C’est, au chiffre près, notre budget actuel, avec son mélange de taxes directes et de taxes de consommation.

En principe, les formes de l’impôt doivent se multiplier avec celles de la richesse. Pour trouver l’impôt unique, il faut remonter à l’époque où tout le revenu de la société se tirait du sol ; mais dans un temps où la richesse mobilière égale et surpasse très souvent la richesse foncière, lorsque la culture des champs n’est plus la seule profession honorable et lucrative, quand l’industrie, le commerce, les professions libérales, les fermages et les rentes ouvrent à l’activité de l’homme