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III

J’ai déjà dit le précieux avantage de se trouver en présence de vastes entreprises, dont le degré d’avancement permet d’obtenir, par des sacrifices relativement assez faibles, des résultats considérables et immédiats. J’ajoute que la disponibilité de nombreux capitaux se manifeste par d’irrécusables témoignages La proportion qu’a prise l’encaisse métallique de la Banque et la tenue des fonds publics au milieu des secousses de l’opinion indiquent trop que les placemens manquent à l’argent, et que le capital chôme en quelque sorte, attendant le jour où il pourra rentrer avec sécurité dans les grandes opérations industrielles et commerciales. Aucune des crises précédentes n’avait présenté ce caractère, et, Dieu merci, ce grand naufrage d’une prospérité inouie n’a pas été si complet, qu’il n’en reste encore de riches épaves.

Ainsi, telle est la situation : nécessité pour l’état de pourvoir d’urgence à l’achèvement des travaux commencés, pénurie dans le trésor public, et du trésor vide des capitaux abondans qui attendent l’occasion dans une oisiveté stérile. Cette occasion, il faut la leur fournir. Jetons avant tout un coup d’œil sur la situation réelle des travaux, sur l’étendue des sacrifices qu’ils réclament, et sur l’ordre dans lequel l’intérêt général prescrit de les achever.

Au point, de vue de l’utilité d’un achèvement prochain, les chemins de fer se présentent au premier rang, non pas pour les services qu’ils rendent et pour la part qu’ils prennent au développement de la richesse publique chacun des systèmes de communication se recommande à cet égard par les avantages qui lui sont propres ; comme les canaux et les routes, les chemins de fer ne sont bons qu’à leur place, et ils ne sont qu’un ruineux superflu, si leur utilité reste en-deçà des sacrifices qu’ils imposent et des forces dont ils exigent l’emploi ; mais à l’encontre des autres voies de communication, les chemins de fer comportent nécessairement l’intervention de l’industrie privée, puisque, dans l’impossibilité d’y établir la libre circulation, il faut forcément y monopoliser l’entreprise des transports. Vouloir livrer l’exploitation des chemins de fer à l’état, c’est se méprendre évidemment sur l’étendue des obligations de la puissance publique et sur la nature de la responsabilité qui doit peser sur elle. En fait, sauf deux circonstances exceptionnelles et essentiellement transitoires, le réseau entier de nos chemins de fer est et restera livré à des compagnies chargées de pourvoir, sous leur responsabilité, à tous les besoins de l’exploitation.

L’article 1er de la loi du 11 juin 1842 porte « qu’il sera construit un système de chemins de fer, se dirigeant : 1° de Paris sur la frontière de Belgique, par Lille et Valenciennes ; sur l’Angleterre, par un ou plusieurs points du littoral de la Manche ; sur la frontière d’Allemagne, par Nancy et Strasbourg ; sur la Méditerranée, par Lyon, Marseille et Cette ; sur la frontière d’Espagne, par Tours, Poitiers, Angoulême, Bordeaux et Bayonne ; sur l’Océan, par Tours et Nantes ; sur le centre de la France, par Bourges ; 2° de la Méditerranée sur le Rhin, par Lyon, Dijon et Mulhouse ; 3° de l’Océan sur la Méditerranée, par Bordeaux, Toulouse et Marseille. » Ce système général de nos grands chemins de fer, accru des lignes précédemment concédées ou construites, a été développé et précisé par des lois subséquentes. C’est ainsi qu’une ligne nouvelle a été dirigée