Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/882

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

240 millions, dont l’intérêt à 5 pour 100 lui serait garanti par le trésor public pendant quatre-vingt-dix-neuf ans, durée de la concession. On se récrie contre l’énormité de ces conditions ; on les rapproche de celles des anciens cahiers des charges imposés aux compagnies sous la monarchie. Ce ne sont pourtant pas les cahiers des charges qu’il faut comparer, c’est la situation du crédit aux deux époques ; il faut se convaincre de la nécessité de le relever dans les circonstances actuelles, il faut calculer les efforts à faire pour arriver à ce but.

Sous ce rapport, le projet de loi sur la concession du chemin de Paris à Avignon, s’il donne prise à une critique fondée, renferme pourtant le principe qui s’adapte le mieux aux exigences e la situation : c’est la garantie d’intérêt.

L’assistance de l’état, pour provoquer la formation des compagnies de chemins de fer, est le fait général en France. Cette assistance s’est produite sous toutes les formes, ou par une subvention en argent comme pour les chemins de Rouen, du Havre, de Strasbourg à Bâle, d’Avignon à Marseille, etc., ou par une participation aux travaux, — c’est le système de la loi du 11 juin 1842, — ou enfin par la garantie d’un minimum d’intérêt, appliquée déjà notamment au chemin d’Orléans. En fait, dans les circonstances actuelles, l’assistance de l’état est indispensable ; or, son concours direct, qu’il ait lieu en argent ou en travaux, est impossible, la situation du trésor s’y refusé ; la garantie d’intérêt reste seule, et il faut bien y recourir. Elle soulève aussi quelques objections ; mais a-t-on la prétention de réaliser un système qui n’en provoque aucune ? Veut-on poursuivre le bien absolu et échapper à la fois à tous les inconvéniens ? Que de tous les inconvéniens alors on subisse le pire, celui de ne rien faire !

Après tout, la crainte de désintéresser par la garantie d’intérêt les compagnies dans les résultats économiques de leur gestion n’a rien de fondé en ce qui concerne nos chemins de fer les plus importans. Pour ceux-là, les compagnies peuvent avoir la prétention très légitime d’arriver à des produits fort supérieurs à la limite de la garantie offerte par l’état, et tous leurs efforts seront naturellement dirigés vers ce but. Elles pourraient, il est vrai, débarrassées du souci des intérêts, se laisser entraîner à des améliorations qui chargeraient le présent au profit de l’avenir, et qui, en attendant, grèveraient de tout leur poids la solidarité du trésor public ; mais cet inconvénient, qui peut être prévu et étroitement circonscrit dans les traités à intervenir, serait surtout conjuré par une restriction introduite dans la durée des concessions, et il ne faudrait pour rendre cette restriction acceptable, qu’ajouter à la garantie d’intérêt celle de l’amortissement.

L’une de ces garanties doit être toujours, et aujourd’hui plus que jamais liée à l’autre. La nécessité de cette union si étroite saute aux yeux, au seul énoncé de la question, en ce qui concerne le chemin de Paris à Lyon et à Avignon : « Lequel vaut le mieux, de garantir à la compagnie le seul intérêt 5 pour 100 en portant la durée de la concession à quatre-vingt-dix-neuf ans, ou bien d’ajouter à cet intérêt 1 pour 100 d’amortissement pour limiter la concession à trente-sept ans ? » Pour ce qui regarde l’état, qui donc pourrait hésiter sur la réponse ? C’est une solidarité bien redoutable que celle dont on souscrit l’engagement pour un siècle. Dieu sait quelles révolutions peuvent atteindre d’ici là l’industrie des chemins de fer, sans parler des perturbations politiques et sociales ! Réduire un pareil bail des deux tiers, c’est le conseil de