La crise ministérielle qui s’est prolongée pendant six semaines dans les Pays-Bas n’est arrivée à son dénoûment qu’après bien de sourdes luttes et de pénibles oscillations. Ce dénoûment, on le prévoyait, c’étaient l’entrée aux affaires de M. Thorbecke et, le maintien de M. Bosse, le ministre des finances. Le premier était devenu l’homme de la situation ; le second dirige un département qui exige des connaissances spéciales. C’est vers le milieu de septembre que le cabinet Kempenaer-Lightenvelt donnait sa démission, et le nouveau cabinet n’a été formé qu’à la fin d’octobre. Les membres les plus influens de ce ministère sont d’abord M. Thorbecke, connu par la part active qu’il a prise à la révision de la loi fondamentale ; ensuite M. Nedermeyer ; M. Van Rosenthal, qui jadis appartenait au parti libéral modéré, mais qui plus tard, dans la chambre, a embrassé des opinions plus avancées. M. Van Sonsbeck, membre du conseil d’état, qui s’est distingué par des écrits en faveur de la magistrature, est appelé aux affaires étrangères, M. le vice-amiral Lucas à la marine, le général-major Van Spengler à la guerre. M. Pahud a été placé à la tête du département des colonies, dont il était, le secrétaire-géréral. Les deux départemens des cultes ne seront administrés que par intérim. Beaucoup de voix s’élèvent pour en demander la suppression, et il paraît qu’on ne veut prendre pour le moment aucun parti définitif. Le premier souci de la chambre a été d’avoir des explications nettes au sujet de l’enfantement si laborieux du ministère et satisfaction lui a été donnée. La chambre se trouvant prorogée à l’époque de la crise ministérielle, c’était uniquement par la voie de la presse qu’avaient dû se faire jour les dissensions des partis appelés à recueillir l’héritage du cabinet démissionnaire. Il y avait surtout d’une part l’opinion des hommes qui viennent de prendre possession du pouvoir, et de l’autre celle des membres du ministère antérieur au mois de mars 1848 et de leurs partisans, formant deux subdivisions les conservateurs et les libéraux modérés. Chaque jour apportait sa combinaison et son programme. D’abord MM. Donker Curtins et Lightenvelt avaient été chargés de former un nouveau cabinet. Les tentatives de ces deux personnages auprès de M. Thorbecke, le coryphée du parti libéral avancé, n’ayant point abouti, les bruits les plus étranges ne tardèrent pas à se répandre : le nom de M. Thorbecke se trouvait, par exemple, accolé à celui de M. Baud, ancien ministre Enfin MM. Thorbecke et Van Rosenthal furent chargés de la composition du cabinet ; mais eux aussi ont eu de nombreuses difficultés à surmonter, à en croire M. Thorbecke car « ce sont les plus dignes et les plus capables, a-t-il avoué naïvement, qui se sont montrés les moins disposés à se charger d’un portefeuille ministériel. » Les négociations ont fini par aboutir ; la Hollande a son nouveau ministère. Un symptôme peu rassurant néanmoins pour la durée de ce cabinet, c’est l’attitude qu’a prise vis-à-vis des ministres M. Van Goltstein, président de la chambre, où pendant de longues années il s’est fait remarquer par ses opinions sagement progressives. M. Van Goltstein a été un moment chargé de la composition du ministère il a donné au roi le conseil d’appeler auprès de lui M. Thorbecke, pour satisfaire au vœu exprimé par une grande partie de la nation. Toutefois il n’a pas voulu entrer lui-même dans la nouvelle combinaison, et il a laissé entendre devant la chambre qu’il avait peu de confiance dans l’homogénéité des