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par le roi, la chambre vota les fonds nécessaires pour le paiement de l’indemnité à l’Autriche ; il ne lui restait plus qu’à donner soit approbation à l’ensemble des conventions, conformément à l’article 3 du statut. Pendant quelque temps, elle a éludé, sous divers prétextes, de se prononcer, puis, mise sérieusement en demeure par le ministère de prendre une décision, elle a fini par rejeter en bloc ce qu’elle avait approuvé en détail ; la ratification du traité a été repoussée par 72 voix contre 66.

L’opposition a prétendu qu’elle entendait subordonner son acceptation à la présentation par le ministère d’une loi ayant pour objet de déclarer citoyens piémontais les émigrés lombards réfugiés dans le royaume. Le nombre de ces réfugiés ne s’élève pas à moins de vingt mille. Bien qu’il y ait beaucoup à dire sur une mesure qui tendait à transformer le Piémont en une sorte de Suisse italienne, asile de tous les conspirateurs des contrées environnantes, on ne peut nier néanmoins que par ses deux levées de boucliers, de 1848 et de 1849, cet état n’ait contracté une dette d’honneur envers les Lombards et les autres Italiens compromis dans la cause de l’indépendance. Le ministère n’en disconvenait pas ; seulement il ne croyait pas que le principe pût être admis d’une façon absolue. Dans sa pensée, la naturalisation devait être soumise à de certaines règles, et il avait dans ce sens présenté au sénat une loi qui fut repoussée à la majorité de 54 voix contre 10. C’était un ajournement d’une année, car, d’après le statut, un projet de loi rejeté ne peut être représenté de nouveau dans la même session. En proposant de subordonner l’acceptation du traité à la présentation du projet de loi sur les Lombards, ce n’était donc rien moins qu’une violation du statut que proposait l’opposition. Néanmoins, pour lui enlever tout prétexte, le cabinet, par l’organe de M. Galvagno, ministre de l’intérieur, s’était engagé solennellement à renouveler la loi sur la naturalisation au début de la saison prochaine. Rien n’a pu vaincre un si furieux entêtement ; la gauche a voulu et provoqué la crise, et l’on aurait d’autant plus le droit de s’en étonner qu’elle n’ignorait pas que l’opinion publique poussait le gouvernement à profiter de cette circonstance et de la position que lui faisaient ses ennemis pour porter la main sur la constitution et remanier le statut à sa fantaisie.

Le ministère, prenant enfin son parti, a décrété coup sur coup la prorogation et la dissolution de la chambre. Après la première ordonnance qui prorogeait le parlement au 29 novembre, l’opposition s’était encore flattée que le cabinet n’oserait aller jusqu’au bout, et elle avait déjà commencé des démarches et des supplications pour conjurer le coup qui la menaçait. D’un autre côté, la majeure partie de la population, qui se voyait avec satisfaction débarrassée d’une chambre factieuse, appréhendait que M. d’Azeglio et ses collègues ne se laissassent gagner à des promesses aussi souvent violées que renouvelées, mais il n’en pouvait être ainsi ; plus le cabinet avait employé de soins et de ménagemens pour prévenir la crise, plus il devait se montrer ferme une fois qu’elle aurait éclaté.

On a blâmé le ministère piémontais de n’avoir pas immédiatement accompli la réforme de la loi électorale, réforme nécessaire, urgente, qu’il lui faudra demander à la chambre nouvelle si celle-ci lui fournit une majorité, ou, dans le