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maîtrisée : — Vous allez faire en une minute, mon enfant, lui dit-il, un grand pas dans l’expérience de la vie. Voici M. de Pelven, notre ami commun ; regardez-le bien, et souvenez-vous le reste de vos jours que sous cette physionomie, loyale entre toutes, se cachait l’ame d’un espion et d’un traître.

— On vous a menti, général, dit froidement Hervé, tandis qu’un cri de surprise et d’incrédulité sortait des lèvres du jeune lieutenant.

— Tant que la lumière ne m’a pas crevé les yeux, j’ai douté, reprit Hoche ; mais il y a véritablement une négligence impardonnable, monsieur de Pelven, quand il est connu que nous avons aussi nos espions, à laisser traîner derrière vous des pièces aussi capitales que celle-ci. — En même temps, il mettait sous les yeux des deux officiers un papier froissé et taché de boue, sur lequel était écrite cette ligne : « Sauf-conduit au comte Hervé de Pelven, maréchal-de-camp dans l’armée catholique et royale. — Signé : Charette. »

Hervé regarda le petit lieutenant, et murmura le nom de Bellah.

— Ce sauf-conduit, ajouta le général, a été trouvé par un de nos agens secrets sur la lande de Kergant, où vous avez passé une nuit, n ne manque pas d’autres preuves, mais celle-ci me suffit. Maintenant je dois vous demander, monsieur, si vous avez quelque chose à dire pour défendre votre vie, car je vous avertis qu’elle est en danger. Désarmez-vous, s’il vous platt.

Hervé détacha les agrafes de son sabre, et le remit à Francis, qui le prit d’une main tremblante.

— Général, dit alors le jeune commandant, devant Dieu et sur mon honneur, je ne suis pas coupable. Je succombe sous des apparences auxquelles je ne puis opposer que ma parole. Ce sauf-conduit est authentique, mais je ne l’ai jamais accepté. Je peux encore ajouter que ces hommes, qu’on fait mes amis, attentaient à ma vie il n’y a pas cinq jours.

— Vous ont-ils blessé ? demanda Hoche avec empressement. Pouvez-vous me montrer la trace d’une blessure ?

— Aucune, malheureusement.

— Mais, général, s’écria Francis, j’y étais, je l’ai vu : ils ont assommé le commandant !

— Avec égards, à ce qu’il paraît, dit le général, qui avait repris son calme inquiétant. Assez, Francis. Vous n’êtes pas un enfant, vous, monsieur de Pelven, et vous savez assez quelle peut être la conclusion d’Une pareille affaire. Désirez-vous que tout se termine ici entre nous deux, ou dois-je assembler un conseil ?

— Je ne souhaite aucun autre juge que vous, général

— Certes, vous n’en pouviez avoir un phis prévenu en votre faveur. Vous m’avez étrangement trompé. Pelven, cruellement, puis-je dire.