Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/1067

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

basse elle se perd dans les sables avant d’atteindre l’Océan ; la seconde, rongée par les crues de chaque printemps, n’est plus qu’un banc de sable où poussent quelques saules à demi déracinés ; mais à ce ruisseau finit la France, mais dans cet îlot se rencontrèrent Louis XIV et Philippe IV. La grandeur des souvenirs, le sentiment inexplicable qu’on éprouve toujours au moment de franchir, ses frontières, nationales, compensent la petitesse réelle des objets, et vous descendez la côte, vous traversez Béhobie et son pont de bois, vous vous trouvez en Espagne et à la porte de la douane d’Irun sans presque vous apercevoir du trajet. À peine aurez-vous jeté un coup d’œil distrait sur Fontarabie, la ville hispano-moresque, qui du haut de son roc isolé allonge ses bastions dans la plaine et élève vers le ciel ses tours et ses clochers comme pour mieux veiller sur sa baie sablonneuse.

Grace à la route directe qui relie aujourd’hui Irun et Saint-Sébastien, la diligence vous porte en deux heures dans la capitale du Guipuzcoa Entrez au Parador Real, le meilleur hôtel de la ville ; et, si vous êtes naturaliste, demandez une chambre placée sur le derrière, grande comme une salle de bal, éclairée par une haute fenêtre à double châssis qui permet d’entrevoir l’écueil de Santa-Clara et l’entrée de la rade. Installez votre microscope, vos crayons, vos pinceaux sur une table solide que l’hôtesse apportera avec empressement ; distribuez vos vases, vos flacons sur le large buffet qui occupe tout un côté de la pièce ; puis, certain d’avoir tout le jour, tout l’espace nécessaires à vos travaux, traversez la ville du sud au nord et gravissez les sentiers en zigzag du mont Orgullo. Vous tournerez tout autour de la montagne, vous passerez à côté des batteries qui protégent l’entrée de la rade, vous admirerez la beauté sauvage du cimetière des Anglais, où s’élèvent, au milieu de roches bouleversées, les tombés de quelques officiers tués dans la guerre de don Carlos ; vous atteindrez enfin les donjons du Castillo, et votre œil embrassera d’un regard Saint-Sébastien et tous ses environs.

Un amphithéâtre de collines bientôt assez élevées pour mériter le nom de montagnes se courbe devant vous en demi-cercle et projette dans la mer, à gauche, la pointe et les falaises du mont Ulia, à droite, le phare et les rochers du mont Igueldo. Une langue de terre étroite et basse se détache du continent, partage en deux parties à peu près égales ce bassin de trois quarts de lieue de large sur un quart de lieue de profondeur, et s’élargit un peu en atteignant le mont Orgullo. C’est là qu’est bâti Saint-Sébastien. À l’est, au pied des remparts de la ville, vous voyez l’embouchure de l’Urumea, dont l’œil suit le cours tortueux jusqu’à ce qu’il disparaisse à un redan de vallée pour se courber du côté d’Astigaraga. La rade proprement dite est de l’autre côté. Protégée par les roches avancées du mont Orgullo, par l’îlot de