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y avait quelque chose d’étrange à voir ces oiseaux ; les ailes étendues et complètement immobiles, au moins en apparence, remonter d’un mouvement uniforme ces rafales terribles qui auraient renversé l’homme le plus vigoureux. Déjà MM. Quoy et Gaymard avaient signalé ce singulier phénomène chez les oiseaux grands-voiliers des mers antarctiques. Tous deux, après avoir observé mille fois les albatros et les frégates, ont hésité à hasarder une explication. D’autres ont été moins timides, et, après avoir examiné les mêmes espèces à travers les vitraux de nos collections, ils ont décidé que ce mode de locomotion était la chose du monde la plus simple. Ils ont parlé de vitesse acquise, de trémulation invisible des ailes… Pour nous, après avoir vu, nous pensons exactement comme MM. Quoy et Gaymard et nous imiterons leur réserve.

Des fortifications à la Vauban, un rempart élevé dont les fossés se remplissent à marée haute, occupent toute la largeur de l’isthme qui joint Saint-Sébastien au continent et le protégent du côté de la terre. Tapie au pied du mont Orgullo, comme si elle aussi cherchait un abri contre le vent du nord, arrêtée par ses murailles que la mer bat des deux côtés, la capitale du Guipuzcoa forme un carré irrégulier, dont la surface est moindre que celle de l’entrepôt des vins de Paris[1] ; mais cet espace étroit a été mis à profit autant que possible. Deux églises paroissiales, un couvent, un arsenal, une caserne, tels sont les principaux édifices publics ; presque tous rejetés sur les dernières pentes du mont Orgullo. Au centre de la fille, l’hôtel de l’ayuntamiento occupe tout un côté d’une place à arcades, espèce de Palais-Royal au petit pied. Le reste des terrains est entièrement occupé par de hautes maisons bordant des rues presque toutes en ligne droite, et dont la largeur semble avoir été strictement calculée d’après les nécessités de la circulation. Ici, point de jardins, à peine quelques cours intérieures. Grace à cette économie du sol, près de neuf mille ames ont trouvé à se loger. Malgré cette accumulation d’habitans, malgré les professions assez sales de plusieurs d’entre eux, on voit régner partout une propreté bien rare dans nos grandes villes. Ce fait s’explique surtout par le mode de répartition de la population. Saint-Sébastien n’a pas de ces rues, de ces quartiers, ramassis de masures et de bouges, qui défigurent nos plus riches cités et, où s’entassent les classes peu aisées. Partout les maisons sont à peu près semblables et comptent des locataires de toute sorte. Le commerçant, le propriétaire, occupent le rez-de-chaussée et les premiers étages ; le manœuvre du port, le pêcheur, l’artisan, se logent dans les greniers et les combles. Un grand bien

  1. La balle ou entrepôt des vins a 134,000 mètres carrés en superficie. Saint-Sébastien ne compte que 110,000 ou 112,000 mètres carrés en surface. Ainsi la différence est au moins de 20,000 mètres carrés.