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des Saint-Sébastenais, que le 7 juillet il fit enlever et transporter au Castillo toutes les armes, piques, pioches, cordes, échelles, etc. Au reste, les Saint-Sébastenais cachaient peu leurs sympathies ; les femmes surtout les affichaient avec une sorte d’ostentation. Aucun officier français n’avait pu être admis chez ces fières Basquaises, dont les frères, les maris et les pères avaient si mal reçu le roi Joseph. Au contraire, les prisonniers anglais et portugais étaient accueillis par elles avec un empressement extrême, et les demoiselles des plus nobles familles portaient elles-mêmes des vivres, des vêtemens, des médicamens aux blessés qu’elles soignaient dans deux églises converties en hôpitaux. Le manifeste invoque ici le témoignage de plusieurs officiers des deux nations, et spécialement celui de don Jose Gueves Pinto, capitaine au 15e régiment de Portugal, et celui de don Santiago Siret, lieutenant au 9e régiment anglais.

Cependant les troupes alliées, sous les ordres du général sir Thomas Graham, avaient relevé les bataillons guipuzcoans. Le blocus avait été changé en siége. Une escadre, composée de neuf bâtimens de guerre, entourait le Castillo du côté de la mer. Cent trente-deux pièces d’artillerie, distribuées sur l’îlot de Santa-Clara, dans les dunes sablonneuses de l’Urumea et sur toutes les hauteurs voisines, complétaient ce cercle de feu. Certes, les Saint-Sébastenais devaient s’attendre à voir les projectiles de leurs alliés respecter leurs habitations, et s’attaquer uniquement aux remparts. Il n’en fut pas ainsi. Du 23 au 29 juillet, les batteries anglo-portugaises brûlèrent ou détruisirent soixante-trois maisons dans le quartier voisin de la brèche. Toutefois les efforts de la population, dirigés par l’ayuntamiento, parvinrent à concentrer et à éteindre cet incendie. À partir du 29 juillet, le feu ne se montra sur aucun autre point de la ville ; si ce n’est dans la soirée du 31 août et après l’entrée des alliés[1].

Les troupes anglaises et portugaises avaient livré inutilement un premier assaut le 25 juillet ; elles furent plus heureuses le 31 août. Les Français, repoussés de la brèche, se défendirent quelques instans dans les rues, puis se retirèrent dans la citadelle et dans les maisons adossées aux rochers du Castillo. À deux heures et demie, tout combat avait cessé[2]. À l’instant même, les sentimens de la population, long-temps

  1. « … Y non hubo despues fuego alguno en el cuerpo de la ciudad hasta la tardeada del 31 de agosto despues que entraron los aliados. » (Manifesto…) Le manifeste revient à diverses reprises sur cette circonstance très importante en ce qu’elle est en contradiction formelle avec les assertions du duc de Ciudad-Rodrigo, reproduites par tous les journaux du temps et généralement acceptées comme l’expression de la vérité.
  2. « Triumfa la buena causa, siendo dueños los aliados de toda la ciudad para la dos y media de la tarde. » (Manifesto.) Le dernier coup de canon fut tiré près de l’église de Sainte-Marie par un sergent d’artillerie nommé Lafitte, qui vit encore à Saint-Sébastien.