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Sous l’influence de la fécondation, l’œuf de la hermelle, celui du taret, se changent en animal, et cela de toutes pièces. Leur masse entière se transforme en tissu ; leur membrane extérieure devient la peau du nouvel être. Certes, il y a là métamorphose dans le sens le plus rigoureux de ce mot, et comme des phénomènes plus ou moins semblables à ceux dont nous venons d’esquisser le tableau, se passent chez toutes les espèces ovipares et vivipares ; comme les bourgeons et les bulbilles nous présenteraient des faits analogues, il en résulte que cette expression proscrite par les évolutionistes devrait au contraire être généralisée et appliquée au développement de tous les êtres vivans. L’embryogénie pourrait, à proprement parler, être définie la science des métamorphoses. Ce dernier mot prendrait ici un sens général et désignerait la succession des faits épigénétiques qui font du germe un végétal ou un animal parfait. Toutefois on ne l’a guère appliqué jusqu’ici qu’à des modifications très apparentes subies par certains animaux après leur sortie de l’oeuf, et nous nous conformerons à l’usage. Même dans cette acception restreinte, les métamorphoses sont un fait beaucoup plus commun qu’on ne l’avait cru. Long-temps on les a regardées comme caractérisant pour ainsi dire la classe des insectes et le groupe des reptiles batraciens[1]. Aujourd’hui, on les retrouve chez un grand nombre d’annelés, chez la plupart des mollusques ; on les découvrira peut-être chez tous les rayonnés, et, à mesure que ce phénomène remarquable apparaît dans des types plus ombreux et plus variés, il se montre de plus en plus sous des jours tout nouveaux. Par exemple, on croyait que les métamorphoses avaient toujours pour but d’élever l’organisme à un état plus parfait. Il en est ainsi pour le tétard devenu grenouille, pour la chenille changée en papillon ; mais souvent le résultat est précisément inverse. Par le fait même de la métamorphose, l’organisme se dégrade, et l’animal adulte n’a plus que des facultés inférieures à sa larve. Ici le papillon semble devenir chrysalide[2].

Voyons ce qui se passe chez le taret. La larve, d’abord à peu près sphérique et entièrement couverte de cils vibratiles, ressemble à un très petit hérisson dont chaque épine serait un organe de natation. Elle nage en tous sens avec une agilité extrême, et ce premier état dure environ un jour et demi. Vers cette époque, la peau extérieure

  1. Grenouilles, salamandres… Ces animaux sont les seuls appartenant au type des vertébrés qui présentent de véritables métamorphoses.
  2. M. Edwards a proposé de désigner par l’expression de types récurrens ces animaux, chez lesquels les progrès mêmes du développement ont pour résultat l’abaissement organique de l’individu.