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l’influence des mœurs allemandes. Plus il a tenté d’efforts pour y réussir, plus il a cru devoir flatter le sentiment national, plus aussi il s’est vu débordé par ce patriotisme de race dont il semblait encourager les espérances.

Le czarisme avait à craindre que des idées plus ou moins libérales ne vinssent se mêler à ce grand mouvement, qui, par lui-même, n’avait rien que de favorable à la nation russe. Le libéralisme, en effet s’est glissé peu à peu sous ce manteau jusqu’au sein de la Russie. Pourtant il a dû faire un long détour ; c’est en remontant aux origines mêmes des peuples slaves qu’il s’est éveillé ou fortifié. Le jeu semblait bien innocent tout d’abord : des savans, des poètes épris des charmes d’une époque qui leur apparaissait sous les couleurs de l’âge d’or ont remarqué que la simplicité des mœurs et des lois de ce temps s’alliait avec certaines notions de liberté. En examinant de près cette liberté, ils ont reconnu qu’elle affectait les formes de la démocratie, démocratie toute primitive sans doute, mais d’autant plus parfaite que les intérêts sociaux étaient plus simples. Qu’étaient les Slaves à l’origine ? Une multitude de petites communautés établies sur le pied de l’égalité des droits et des fortunes, indépendantes et se gouvernant elles-mêmes partout où elles avaient pu échapper à l’invasion des peuplades étrangères. L’admiration que les slavistes russes professaient pour ces institutions oubliées du peuple paraissait bien inoffensive. Peu à peu, toutefois, en redescendant le cours de l’histoire, ils voyaient ces libertés passer l’une après l’autre aux mains d’une classe privilégiée dont les privilèges succombaient à leur tour devant le progrès triomphant du czarisme. Alors cette idée, que la liberté est ancienne et le despotisme nouveau, se présentait naturellement à leur esprit. L’impulsion qu’ils recevaient du gouvernement tendait à les détourner du spectacle de la démocratie telle qu’elle est conçue depuis la révolution française chez les nations de l’Occident ; mais ils en retrouvaient l’image dans l’histoire même de leur race, et ils s’attachaient à cette image de tout l’amour que le panslavisme officiel leur inspirait pour les origines du peuple russe. On ne doit pas perdre de vue que ce culte est de nature à rencontrer des prosélytes dévoués dans cette portion de la vieille noblesse qui a conservé le souvenir encore peu ancien de la perte de ses privilèges politiques. Les grandes familles russes n’ont qu’à ouvrir leurs archives pour y trouver les témoignages du rôle qu’elles ont joué durant toute l’époque normande et jusqu’à l’avènement des Romanoffs.

Le pouvoir absolu n’a point de base solide, s’il n’est fondé sur l’égalité absolue : la raison et l’histoire le prouvent. Que la noblesse russe présentât parmi toutes es castes privilégiées ce phénomène particulier d’un manque complet d’ambition et eût pris son parti de subir éternellement une souveraineté illimitée, il serait difficile de le croire, lors