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gauche et de gauche à droite sont un divertissement qui n’est plus de saison. Laissons la montagne refuser au gouvernement les armes nécessaires à la défense de la société ; c’est le rôle de la montagne, ce n’est pas celui du parti légitimiste. Craindrait-on aujourd’hui de fortifier le président en fortifiant le pouvoir On a déjà joué ce jeu-là pendant dix-huit ans. On a affaibli le pouvoir pour affaiblir une dynastie. Qu’en est-il résulté ? Craindrait-on, en fortifiant le pouvoir, de fortifier la république ? Ce serait confondre deux choses tout-à-fait distinctes. Les destinées du pouvoir et celles de la république ne sont pas solidaires. Enfin, craindrait-on d’introduire dans la législation de ce temps-ci des armes que le parti révolutionnaire, devenu maître du gouvernement, pourrait tourner plus tard contre la société ? Singulière précaution, en vérité ! comme si le parti révolutionnaire, maître du pouvoir, était jamais embarrassé par des scrupules de légalité, et comme s’il n’avait pas toujours la violence à son service, quand la légalité ne lui suffit pas !

La loi des maires n’est pas seulement une loi de circonstance, c’est une loi de principe. Comme loi de circonstance, il suffit, pour en reconnaître l’absolue nécessité, de regarder ce qui se passe dans un grand nombre de communes où les trois ou quatre républiques qui ont précédé celle du 10 décembre ont laissé successivement des magistrats de leur couleur. Ici, ce sont des maires qui refusent de répéter les paroles du télégraphe ; là, ce sont des maires qui abolissent de leur autorité privée le culte catholique ; ailleurs, ce sont des maires qu’on est forcé d’habiller par respect pour la décence publique. À Fénestrange, dans la Meurthe, c’est un maire qui, pour mieux célébrer l’anniversaire du 24 février, fait sortir de prison des musiciens ambulans, et parcourt à leur tête le territoire de sa commune, en dansant au son des instrumens, comme les prêtres des religions antiques. Voilà les magistrats municipaux du gouvernement provisoire ! Nommés sous l’influence des commissaires de M. Ledru-Rollin, ils ont conservé fidèlement les traditions du premier âge de notre république Ils étaient les dignes auxiliaires du gouvernement de février ; mais on comprend, qu’ils soient devenus un grave embarras pour le gouvernement de ce temps-ci. La loi de 1848, en abandonnant le choix des maires au suffrage universel, a réservé, il est vrai, au pouvoir exécutif le droit de suspension et de révocation ; mais ces mesures sont des occasions de conflits entre le gouvernement et les communes. D’ailleurs, lorsqu’elles arrivent, le mal est fait, et, en présence du résultat des dernières élections, il est inutile de dire quelle peut être l’étendue du mal.

Les mêmes garanties que l’on a données au pouvoir exécutif du côté des instituteurs primaires, comment ne jugerait-on pas nécessaire aujourd’hui de les lui accorder du côté des maires ? Les dangers sont les mêmes et appellent les mêmes remèdes. On a bien reconnu qu’il était indispensable que le gouvernement eût le droit de nommer les instituteurs ; comment laisserait-on aux communes le droit de nommer les maires ? En 1848, on est sorti des vrais principes sur cette question ; il faut y rentrer. On a fait une loi d’anarchie et non pas une loi de gouvernement. Le maire est à la fois l’agent de la commune et l’agent du pouvoir exécutif. Comme agent de la commune, il doit émaner de l’élection ; mais, comme agent du pouvoir exécutif, il doit être choisi par le gouvernement. Or, ces deux conditions étaient parfaitement remplies dans le système