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voir plus centralisé que la diète de 1815, et si l’Allemagne devait en rester à cette commission fédérale pendant quelques années, et cela est possible, il en résulterait que, pour avoir voulu aller jusqu’à un parlement populaire, l’Allemagne se trouverait ramenée à un comité exclusivement monarchique. La commission fédérale, en effet, ne représente que les deux grandes monarchies allemandes, la Prusse et l’Autriche.

Si nous comparons les chances d’avenir de la commission intérimaire d’une part et du parlement d’Erfurth de l’autre, il est évident à nos yeux que les chances d’avenir sont beaucoup plus grandes pour la commission que pour le parlement. D’abord la commission existe et le parlement n’est pas encore né ; mais ce qui nous frappe surtout, c’est que la commission représente le principe de l’ordre et de la stabilité, tandis que le parlement représente le principe d’innovation et d’instabilité. Or, il y a deux ans ou dix-huit mois, nous aurions parié à coup sûr pour le principe d’innovation. Aujourd’hui, nous parions pour le principe de l’ordre. Il ne faut pas se le dissimuler, ce qui fait la faiblesse du parlement éventuel d’Erfurth, ce qui l’empêchera peut-être de naître, c’est son origine et ses précédens. Il procède de 1848 ; il a beau vouloir corriger les erreurs de 1848, il a la même source. Il est de la même famille, et toute sa gloire serait, s’il vit, d’être le très bon cadet d’un assez mauvais aîné. Or la famille est suspecte à tous ses degrés, et la Prusse a beau dire qu’elle veut réformer la révolution à l’aide de la révolution : on lui répond que le procédé réussit rarement et que les pays où on a voulu faire de l’ordre avec du désordre s’en sont mal trouvés. Pourquoi ressusciter de gaieté de cœur ce parlement germanique qui s’est suicidé lui-même ? pourquoi lui donner une participation quelconque aux destinées de l’Allemagne après les mauvaises expériences qu’il a faites ? On ne s’en tient pas à ces considérations générales, et il y a une raison décisive qui pousse l’Allemagne vers la commission fédérale, c’est-à-dire vers le principe d’ordre plutôt que vers le parlement d’Erfurth. Les petits états de l’Allemagne ne sont plus assez forts, cela est triste à dire, pour faire eux-mêmes la police chez eux. N’en soyons pas trop étonnés. Il y a dans la vie des états un moment critique, c’est celui où l’équilibre entre la force qui attaque et la force qui défend est rompu au profit de la force qui attaque. Ces deux forces existent toujours dans la société ; mais les sociétés régulières sont celles où la force qui défend a une prépondérance décisive sur la force qui attaque. Quand c’est le contraire, la société alors est menacée de perdre son ordre social, ou l’état de perdre son indépendance. Dans ces momens suprêmes, en effet, la société est tentée de chercher au dehors l’appui qu’elle ne trouve plus au dedans. Telle est la situation des petits états de l’Allemagne. Minés par la démagogie, ils ne peuvent plus se défendre et se protéger eux-mêmes ; ils sont donc forcés de demander à la Prusse ou à l’Autriche de venir faire la police chez eux. C’est ainsi que l’ordre a été rétabli dans le grand-duché de Bade par la Prusse : c’était le temps où l’Autriche, occupée en Hongrie et en Italie, était impuissante en Allemagne ; mais aujourd’hui que l’Autriche a les mains libres, c’est à elle plutôt qu’à la Prusse que s’adressent les petits états de l’Allemagne. Ils ont plus de confiance en l’Autriche qu’en la Prusse, parce que l’Autriche n’a jamais manifesté l’envie de réaliser l’unité de l’Allemagne à son profit. La Saxe menacée par la démagogie, le Wurtemberg aussi, se sont