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années, il entreprit de fonder une banque unique et colossale sur les ruines de toutes les institutions rivales. Ses plans, poussés avec une habileté et une persévérance extrêmes, allaient être couronnés de succès, lorsque le héros de la Nouvelle-Orléans, effrayé de cette tendance anti-démocratique, fit adopter une loi qui empêcha l’établissement de la nouvelle banque. Les sympathies du public hésitèrent un instant entre ces deux grands hommes ; mais le général Jackson, sans s’en inquiéter plus, se mit à serrer de près son antagoniste, qui, pour échapper à ses étreintes et à celles de ses créanciers ameutés subitement contre lui, ne trouva d’autre moyen que de battre prudemment en retraite et de venir s’établir parmi nous. »

Pendant que mon guide me racontait ainsi les hauts faits de ses compatriotes, nous fûmes abordés par un personnage à la figure rubiconde et à la carrure athlétique. Il était armé jusqu’aux dents et portait, derrière le dos, serré dans sa ceinture de cuir jaune, un énorme couteau de chasse. — C’est, me dit mon guide après que cette étrange apparition se fut éloignée, le colonel X… du Mississipi. Il vient d’arriver du Texas, par voie de terre, ayant traversé le Mexique dans sa plus grande largeur. Une aventure bizarre, et qui a fait beaucoup de sensation, même ici, où nous commençons à être un peu blasés en fait de merveilleux, lui est arrivée. La voici en peu de mots. Le corps que commandait le colonel X… corps composé de bons fermiers de l’ouest, étant arrivé à Durango, ville fortifiée du Mexique, et qui compte plus de trente-cinq mille ames, trouva la population dans un morne désespoir. Des Indiens de la tribu des Apaches, qui habite les bords du Colorado, s’étant présentés l’avant-veille au nombre de cinq cents, avaient menacé la ville du pillage, à moins qu’on ne leur livrât sur-le-champ cinquante femmes et un nombre égal de jeunes filles. Les descendans dégénérés du grand Cortès tremblent aujourd’hui, rien qu’à la pensée d’un Apache ; aussi les habitans de Durango passèrent-ils, après quelques velléités de résistance, par les conditions imposées, et les Indiens repartirent pour le Colorado, emmenant, avec les femmes, tous les troupeaux qu’ils rencontrèrent sur leur route. Instruit de ces faits, le colonel X… offrit de poursuivre les ravisseurs et de ramener les captives, moyennant paiement d’une somme de 4,000 piastres (20,000 fr.) au retour. La ville accepta la proposition avec joie et souscrivit sur-le-champ une déclaration portant témoignage de cet engagement. Le colonel X… partit avec ses amis, et, le troisième jour, il atteignit les Indiens, qui s’étaient rabattus sur leur tribu. Les deux partis en vinrent aux mains. On se battit à cheval, à coups de rifle. L’adresse des indiens est telle qu’ils savent, tenant d’une main la crinière de leur cheval lancé au galop, se coucher le long de ses flancs, et ne présentent aux balles de leurs ennemis que la plante d’un de leurs pieds, celui-là