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du sol. Toutes les pépites ont des coins plus ou moins arrondis, circonstance qui prouve qu’elles ont été roulées long-temps.

Les aventuriers de tous pays et de tout état, les paresseux, les joueurs, les commerçans ruinés, les officiers de terre et de mer, les savans et les poètes, — car toutes les classes sont largement représentées aujourd’hui en Californie - se portent de préférence vers les dry diggings. Là, si on court risque de mourir de faim, on obtient, avec moins de fatigue, des résultats qui éclipsent complètement ceux de la vallée du Sacramento. Quels bizarres rapprochemens la soif de l’or n’opère-t-elle pas dans les dry diggings ! Tel philosophe qui a lancé, il y a peu de temps, à New-York, un traité long temps médité et malheureusement peu apprécié sur une nouvelle organisation de la société humaine, se voit forcé de vivre côte à côte et sur un pied d’égalité parfaite avec un échappé des prisons de Sydney ou de Hong-Kong. C’est l’agneau et le loup qui viennent s’abreuver à la même fontaine et qui ne se querellent pas trop.

On a inventé, depuis peu, différens procédés pour séparer les paillettes d’or des sables et de la terre qui les renferment. Plusieurs de ces procédés rapportent déjà aux inventeurs des bénéfices considérables, bien que l’on opère, pour le moment, dans le bassin du Sacramento, sur des terrains déjà lavés, et où il reste par conséquent peu d’or comparativement. Ailleurs, on procède différemment, en détournant des rivières de leur lit naturel au moyen d’endiguemens et en lavant le limon qu’elles avaient déposé dans leur course séculaire. Une compagnie, composée exclusivement d’avocats et de médecins de New-York, a commencé des travaux de ce genre, près de Mormon-Island, sur le théâtre même de la première découverte de l’or. C’est le seul exemple qui soit à ma connaissance d’une compagnie qui ait su se maintenir sur le sol de la Californie, en conservant entre ses membres l’union nécessaire. Toutes les sociétés qui se sont organisées si bruyamment, soit aux États-Unis, soit en France, soit en Angleterre, se sont dissoutes dès le jour de l’arrivée de leurs directeurs à San-Francisco, et il en sera de même pour toutes celles qui se formeront encore. L’ouvrier ou le mécanicien se fait ce raisonnement fort simple et fort concluant La compagnie compte sur mes bras pour faire fortune, et moi je puis me passer maintenant d’elle. Grand merci ? Pourquoi me faire, sans nécessité, l’homme lige d’autrui ? pourquoi accepter un rôle qui me gêne dans mes mouvemens et m’empêche de me porter sur des points où chacun s’enrichit au bout de peu de jours ? Le lendemain, notre logicien est loin de San-Francisco, il marche vers les mines, et les pauvres directeurs se trouvent seuls avec des machines sur les bras et force papiers parfaitement en règle, mais dont ils ne savent que faire,