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immortels qui perpétuent dans les cœurs le souvenir des nations qui ne sont plus. Nos désirs comme nos espérances sont pour le présent et y trouveront dans une renommée éblouissante, mais éphémère, la seule satisfaction qui puisse leur être accordée. Si la France a perdu plusieurs de ses conquêtes, elle trouve jusque dans les forêts du Nouveau-Monde, et parmi les Indiens aujourd’hui persécutés, des hommes qui bénissent encore son nom. »

Il y a quelque chose de touchant dans ces aveux, dans ces plaintes échappées aux citoyens d’une république aujourd’hui si florissante. L’avenir justifiera-t-il d’aussi tristes pressentimens ? Ce qui est certain, c’est que l’influence des États-Unis n’est guère représentée aujourd’hui en Californie que par leur commerce. Une convention de la haute Californie, convoquée dernièrement à Monterey, vient de voter une constitution pour ce pays. La Californie est devenue un état distinct ; il semble que rien ne doive retarder son annexion à l’Union américaine. Il n’en est rien pourtant. Cette annexion ne s’accomplira point sans de longs et graves débats. Les états à esclaves, dont l’influence balance, à peu de chose près, celle des états abolitionistes, se refuseront à ce que la phalange rivale se grossisse d’un élément nouveau et nécessairement hostile, tant que la Californie n’aura pas reconnu le fait de la légalité de l’esclavage sur son territoire. Pour lever cette difficulté, le gouvernement du président Taylor a imaginé d’envoyer à San-Francisco un agent spécial avec mission de provoquer, de la part de la convention locale, une résolution immédiate sur ce point en litige. « Si la Californie, disait le gouvernement de Washington, est d’avis de ne point sanctionner l’esclavage et se prononce dans ce sens, nous aurons de quoi fermer la bouche à M. Calhoun et aux orateurs du sud. Ceux-ci ne demanderont certainement pas que nous forcions la main à la Californie, en insistant pour qu’elle accepte une organisation qui répugne à son tempérament. »

Le moment, on le voit, n’est pas encore venu d’examiner quelle influence pourrait exercer l’annexion de la Californie sur les destinées politiques de l’Union américaine ; mais ce qui est aujourd’hui évident, c’est que ce territoire offre et offrira long-temps encore des ressources précieuses à l’ancien comme au nouveau monde. Sans doute, les États-Unis profiteront de cette nouvelle conquête ; toutefois ils n’en profiteront pas seuls. L’Europe aura aussi sa large part de bénéfices à recueillir, et la France surtout, déjà représentée en Californie par une nombreuse population d’émigrans, trouvera chaque jour de nouvelles facilités, comme un nouvel avantage, à y verser l’excédant de sa population.

Au moment où je quitte la Californie, une foule d’émigrans français