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terrain. Toutes, avec leurs volets verts qui se détachent sur des murs éclatans de blancheur, ont un air de propreté et d’aisance bien fait pour attirer les baigneurs. Aussi cette population nomade afflue-t-elle à Biarritz, qui tend chaque année davantage à devenir un lieu de rendez-vous bien moins pour les malades que pour les amis du plaisir.

Les côtes de la baie de Biscaye sont extrêmement dangereuses, même pour les plus habiles nageurs, excepté sur quelques points abrités. Le Port-Vieux remplit parfaitement cette condition. On dirait un bassin taillé de main d’homme pour la sécurité des baigneurs. À droite et à gauche, les deux pointes du cap brisent partout l’effort des vagues et neutralisent les courans. La grève sablonneuse s’élève doucement vers la rive, que dominent les dernières maisons du village et quelques-uns des principaux établissemens destinés aux voyageurs. De petits sentiers en zigzag courent tout autour du port, et, à l’heure du bain, se couvrent de promeneurs qui désertent pour ce spectacle les roches de l’Atalaï ou la falaise des Basques. Grace aux traditions patriarcales de Biarritz, rien ici ne sépare les baigneurs et les baigneuses. Couvert d’un costume qui ne laisse rien à désirer à la plus scrupuleuse décence, mais qui varie au gré de chacun, on ne se quitte pas plus au bain qu’à la promenade. Aussi que de plaisir ! que de jeux ! que de défis lancés et acceptés au milieu des cris de joie et des éclats de rire ! Tout le monde se pique d’émulation, et la dame la plus timide veut au moins une fois aller se reposer à la corde qui barre à fleur d’eau l’entrée du port. Pour atteindre ce but, la plupart d’entre elles ont recours à l’aide d’un cavalier, ou font la planche soutenues par une paire de grosses gourdes ; mais j’ai vu aussi quelques intrépides nageuses, presque toutes Basquaises ou Espagnoles, qui, sans sourciller le moins du monde, allaient chercher une poignée de gravier à dix pieds de profondeur ou piquaient une tête avec l’aisance d’un habitué des bains Petit.

À un quart de lieue de Biarritz se trouve la Chambre d’amour, anse profonde creusée en demi-cercle et entourée de falaises inaccessibles. On y pénètre par une étroite langue de sable, que la mer, en se retirant, laisse à sec au pied de la pointe du nord. Jadis la plage était partout très basse ; à la marée haute, les flots battaient en tout sens les murailles à pic de la baie, et envahissaient parfois une grotte percée dans le fond. Cette grotte, raconte la légende, servait de rendez-vous à deux amans. Long-temps l’Océan parut respecter et protéger leurs amours ; mais un jour, sous le souffle orageux du nord-ouest, la mer monta plus que de coutume, et un pêcheur, en pénétrant le lendemain dans le creux du rocher, y trouva deux cadavres réunis encore par une étreinte suprême. Pareille catastrophe n’est plus à craindre. Depuis quelques années, sous le choc répété des vagues, une portion de la