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la porte. Ma main rencontra le loquet, qu’elle leva ; mais, je ne m’étais pas trompé, nous étions enfermés. Un jet de lumière, filtrant à travers les planches mal jointes, me fit trouver une fissure à laquelle j’appliquai l’œil, et je pus voir tout ce qui se passait dans la pièce voisine.

Les deux paysans s’étaient rassis à la même place, le visage éclairé par la flamme. Jean-Marie avait à ses pieds une bourrée déliée dont il brisait les branches en menus brins ; la bouteille d’eau-de-vie presque vide était à ses côtés, et il me sembla que son teint s’était allumé de couleurs plus vives. Quant au rouleur, penché en avant, il lui parlait à demi-voix et d’un ton d’expansion persuasive. Je ne saisis d’abord que des mots entrecoupés, mais je pouvais juger de l’importance de la confidence par le redoublement d’attention du sourcier ; enfin, les voix s’élevèrent insensiblement, quelques lambeaux de phrases arrivèrent jusqu’à moi !… Il s’agissait du chien mystérieux suivi par Jean-Marie, et que le rouleur lui-même avait aperçu deux fois. Je crus comprendre que ce dernier l’avait reconnu pour le chien de terre préposé par les fantômes à la garde des trésors. Le sourcier laissa échapper une exclamation de surprise, mais qui n’exprimait aucun doute.

— Par mon baptême ! alors notre fortune est faite, s’écria-t-il.

— Pour ça, faut pas que les hommes de loi s’en doutent, dit Claude en jetant un regard vers la porte de communication, et voilà pourquoi j’ai mis les bourgeois sous clé. À cette heure, le gibier est à nous, et il n’y a point de part pour le roi.

— Partons, rouleur, dit Jean-Marie, qui s’était levé.

— Minute ! reprit Claude, faut d’abord s’entendre. Tu es sûr de reconnaître l’endroit où le chien s’est terré ?

— C’est à la petite pierrière ; mais le trésor sera caché ?

— Je sais la conjuration qui le rendra visible ; il ne faudra plus que quelques coups de pioche…

— J’ai notre affaire, dit le sourcier en saisissant un hoyau derrière un tas de bourrées ; en route, vieux, mais surtout pas de tours de Normand !

— Ne crains rien, répliqua Claude.

— Si on trouve le magot, on ne se quittera pas ?

— Non.

— On n’y regardera qu’au retour ?

— Ce sera toi qui le tireras du trou et qui l’apporteras.

— Convenu, dit Jean-Marie, qui jeta le hoyau sur son épaule et fit un pas pour sortir ; mais, se ravisant tout à coup

— Un moment ! s’écria-t-il, j’avais oublié, moi… Le premier qui touche au trésor des trépassés doit mourir dans l’année.

— Ah ! tu sais ça ? dit Claude en tressaillant.