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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/291

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blanchie de Newton. Je sais aussi qu’un esprit effréné, qui semble s’être donné pour mission de déplacer les bornes autrefois connues de l’absurde, et qui peut-être, dans le secret de son ironique génie, aspire plus à étonner qu’à persuader ses contemporains, a identifié Dieu et le mal ; mais c’est une justice à rendre à notre siècle qu’il repousse également et ce grossier empirisme et ce délire d’impiété. Grace au progrès de la raison publique, grace aussi aux efforts d’une philosophie généreuse, tous les esprits éclairés s’accordent à reconnaître qu’au-delà des êtres fragiles de l’univers, il doit exister un principe éternel, source profonde et mystérieuse de ce fleuve immense de la vie qui remplit de ses flots toujours renouvelés l’immensité de l’espace et l’infinité du temps. Or, si grande que soit déjà cette conception de l’être des êtres, suffit-elle à l’humanité ? Qu’est-ce pour moi, débile créature, animée de désirs infinis et bornée dans toutes ses facultés, qu’est-ce que Dieu, comme principe absolu de l’existence ? Un abîme sans fond, une sorte de formule algébrique, où ma raison se confond et devant laquelle mon cœur reste glacé. Il me faut un Dieu vivant, un Dieu agissant, et non-seulement une intelligence infinie qui préside à l’harmonie du monde visible, mais un Dieu de justice et d’amour qui m’explique les accablans mystères de cet autre monde où s’agitent mes désirs, où gémissent mes affections brisées, où ma soif de connaître et d’aimer appelle un aliment. Voilà le Dieu de la conscience, le Dieu de l’humanité, et c’est ce Dieu dont l’auguste image semble aujourd’hui se voiler. Cherchons à indiquer les causes de cette déplorable maladie.

Il n’est rien de plus difficile à la plupart des hommes que de croire à la réalité d’une puissance qui agit d’une manière continue et ne se manifeste jamais par des actes soudains. Ce qui explique en partie l’ardente foi de nos pères en la divine Providence, c’est leur foi non moins vive à ces interventions extraordinaires de la force d’en haut qu’on appelle des miracles.

Or, depuis trois siècles, les sciences physiques et naturelles, portant le flambeau de l’observation dans tous les degrés de l’échelle des êtres, ont conspiré à persuader aux hommes que rien ne se produit dans ce vaste univers que par des lois générales et constantes. Le surnaturel, chassé, pour ainsi dire, de position en position, a fini par disparaître, et il a emporté avec lui le sentiment de la Providence. Pour le gros des ames vulgaires, il a semblé que Dieu n’agissait plus du moment qu’il agissait selon le caractère de son essence, comme s’il n’était pas souverainement digne de Dieu, ayant donné à l’univers les lois les plus belles et les plus sages, d’y rester éternellement fidèle, suivant cette magnifique parole d’un ancien : Semel jussit, semper paret.

Voilà donc l’homme sans Dieu ; or, c’est un des plus nobles traits