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consolation d’atténuer les haines provoquées par leur orgueil et de laisser après eux des regrets. Menacés d’être mis au ban des peuples et de n’entendre que des récriminations autour de leur lit de souffrance, en cédant, ne fût-ce que sous l’empire de l’inexorable nécessité, ils ôtaient du moins toute prise à la haine. Ils redevenaient l’un des élémens de la grande ligue des nationalités qui pourrait un jour se reconstituer sur leurs débris. Les Magyars devaient périr comme race dominante ; mais, en acceptant d’avance les conditions d’égalité que leur faisaient les autres nationalités, ils mériteraient au milieu d’elles une place qu’elles leur accorderaient sans contestation et sans crainte ; ainsi les ressources militaires des Magyars ne seraient pas perdues pour l’avenir : telle était la pensée qui inspirait les démarches de la diplomatie polonaise auprès de M. Kossuth. Le prince Czartoryski avait compté sur l’autorité morale de Dembinski et de Bem. « Je suis sûr, écrivait-il à Dembinski en date du 5 juin, je suis sûr qu’après les déclarations consignées par vous dans votre écrit d’adieu à vos compatriotes polonais, vous n’avez pas cessé de vouloir la conciliation entre les Magyars et les Slaves. La justice nous le commande, l’intérêt des Magyars eux-mêmes nous y force, soit que nous considérions leur sécurité pour l’avenir ou leur salut pour le présent. En supposant que la défense soit possible contre les forces colossales de leurs ennemis, en supposant que vous triomphiez, la lutte sera longue, et ce n’est pas d’un seul coup que vous pourrez vaincre. » Quelles étaient les bases sur lesquelles le prince Czartoryski proposait de traiter ? Placé dans une situation où il pouvait être plus désintéressé que les Slaves de Hongrie, il pensait que les Slaves, tenant compte des actes militaires des Magyars, devaient leur reconnaître, non pas une suprématie de race, mais une sorte de droit d’initiative, non pas le privilège du gouvernement, mais la faculté d’être le centre de la confédération des états destinés à transformer la vieille Autriche. Parmi les peuples attachés à la Hongrie, ceux qui se trouvent séparés des Magyars, soit par des limites faciles à déterminer, comme les Valaques, soit par des frontières déjà tracées, comme les Croates, les Slavons et les Serbes, eussent obtenu une véritable et sérieuse autonomie provinciale. Les autres, moins compactes et entremêlés aux Magyars, comme les Slovaques et surtout les Allemands, eussent dû se contenter d’une administration nationale, du libre usage de leur langue, de la pratique respectée de leur culte. Voilà les propositions que les agens de la diplomatie polonaise portaient au gouvernement magyar comme l’unique moyen de salut qui lui restât.

M. Kossuth et ses ministres accueillirent avec politesse, mais avec réserve, les ouvertures des Polonais et des Valaques. Le 10 juin, le ministre des affaires étrangères, M. Casimir Bathianyi, écrivant, aux