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vérité sans doute étrange pour beaucoup d’esprits, mais palpable pour quiconque a vu de près le génie naissant de ces peuples, qu’il y a là une force d’où doit infailliblement sortir la transformation de l’Orient européen. Sera-ce au profit de la Pologne ou de la Russie ? Toute la question est là. Sous nos yeux, la politique anti-slave des Magyars et de l’Europe démocratique a failli jeter irrévocablement les Slaves d’Autriche et de Turquie dans les bras de la Russie. Les Polonais qui reviennent des champs de bataille de la Hongrie l’ont reconnu avec les diplomates de l’émigration, et tous semblent d’accord pour entrer franchement dans les vues constitutionnelles de ces peuples indiquées par la diète autrichienne de Kremsier.

Si la guerre de Hongrie a fait de nouveau saigner les plaies de la Pologne, elle a créé en revanche aux Slaves de l’Autriche et de la Turquie une situation dont ces peuples commencent à comprendre les avantages. L’Europe orientale, après avoir présenté un aspect attristant, semble, dès aujourd’hui, près de reprendre une assiette plus sûre. Une lueur d’espérance, apparaît à travers les ombres dans lesquelles l’avenir est encore enveloppé. Puisque le danger que courent les peuples de ces contrées vient surtout de la force croissante de la Russie, ils ont du moins, pour le prévenir, deux grands points d’appui, l’empire d’Autriche et celui de Turquie ; puisque ces peuples ont lieu de craindre le panslavisme politique et religieux dont les intentions sur l’Orient, et que dis-je ? sur l’Occident lui-même, nous ont été tout récemment avouées par un diplomate russe, ils ont en revanche la certitude, en présence de ce panslavisme, de trouver dans la politique des deux empires menacés directement par cette doctrine un concours raisonné. La Turquie par suite du système des protectorats russes, l’Autriche par une conséquence nécessaire de l’intervention du czar en Hongrie, se sentent dans une dépendance à laquelle elles éprouvent naturellement le désir d’échapper. Voyez la Turquie. Elle ne craint plus d’opposer la dignité d’une attitude ferme à des injonctions impérieuses, et dans ce conflit, jusqu’à ce jour, la force reste au bon droit. En Autriche, sous les dehors d’une alliance trop récente pour se dissoudre encore, on remarque dès à présent les symptômes d’un vif mouvement de résistance à l’action de la Russie. Il est décidé que l’Autriche sortira des traditions de l’absolutisme, et voici qu’elle entre, bon gré mal gré, sous le régime des libertés parlementaires. L’alliance de l’Autriche et de la Russie n’est déjà plus une alliance de principes.

Du fond de l’abîme où la guerre de Hongrie les a précipités, les peuples de l’Europe orientale peuvent donc porter les yeux avec confiance sur Constantinople et sur, Vienne. Oui, s’ils savent être unis, s’ils savent régler leur ambition sur le progrès des idées et des mœurs