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ces récits l’intérêt de l’homme d’état ; ne sont-ce pas en effet des voyageurs anglais qui ont appris en 1840 à lord Palmerston la faiblesse réelle du pacha d’Égypte, si étrangement méconnue par notre gouvernement ? Loin donc de nous égayer aux dépens de ces hommes entreprenans qui portent en tous pays l’influence anglaise, et qui n’ont souvent du touriste que le nom, nous ferions mieux de marcher sur leurs traces et de nous inspirer de leurs exemples. Pourquoi la France n’aurait-elle pas aussi ses pionniers ardens et infatigables ? Pourquoi ne tournerait-elle pas vers les voyages lointains l’agitation fiévreuse qui la tourmente ? Dût-on acheter ce résultat par quelques dépenses nouvelles inscrites au budget, nous croyons que ce ne serait pas encore le payer trop cher. Qu’on interroge l’histoire de l’Angleterre depuis quelques années seulement, et l’on se convaincra des immenses services que d’habiles explorateurs peuvent rendre aux intérêts commerciaux, à la politique extérieure d’un grand pays.

L’Angleterre ne se contente pas d’ailleurs des indications recueillies un peu confusément par les observateurs vagabonds qui forment chez elle une si nombreuse famille. Sur les traces et à côté de ces voyageurs indépendans marchent les agens plus sérieux, les représentans plus directs de sa politique. La marine anglaise est tour à tour employée à servir les intérêts du commerce national et à faire respecter le pavillon britannique sur tous les points du globe. Les mers de la Chine, de l’Inde et du Nouveau-Monde sont le théâtre de longues et aventureuses croisières, presque toujours couronnées par d’importans résultats. L’Océan Pacifique est surtout le but de fréquentes campagnes maritimes. L’orgueil des républiques américaines est trop enclin à oublier qu’il n’est pas sans danger de jouer avec la colère de quelque nation d’Europe. L’Angleterre agit en conséquence, et l’une de ses vaillantes frégates est toujours à portée du lieu où l’honneur britannique a reçu quelque atteinte. Dans les annales de la marine anglaise, ces croisières, à la fois politiques et commerciales, forment un, chapitre des plus curieux et des plus instructifs. On doit surtout savoir gré aux marins qui, revenus de ces campagnes, en écrivent la relation et partagent ainsi avec leurs compatriotes le trésor de leurs souvenirs. Presque toujours ces livres portent la vive empreinte des lieux que l’auteur a parcourus, des mœurs étranges qu’il a observées ; ils retracent fidèlement les émotions variées d’un voyage maritime, et entretiennent dans la population anglaise ces instincts du marin, du voyageur, qui sont un de ses traits caractéristiques.

Pour quiconque a vécu de la vie de bord, ces récits offrent surtout un attrait particulier. Quel voyageur embarqué pour une, traversée lointaine n’a regretté souvent de ne pouvoir fixer par la plume ou le crayon les côtes fuyantes, les paysages incessamment variés qu’il découvre