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patriarches de la prairie, à la taille encore souple et droite, malgré leurs quatre-vingts ans, au regard vif et perçant, malgré leur chevelure argentée. Laissez parler le vieux chasseur, il vous dira les joies de sa vie errante, les nobles émotions d’une chasse à l’ours ou d’un combat contre les Indiens ; il vous racontera, en quelques phrases naïves, tout son passé : son mariage avec quelque Indienne des montagnes Rocheuses, ses excursions à la recherche des meilleurs terrains de chasse, ses relations avec quelques compagnons d’aventures ou avec des Européens auxquels il aura servi de guide. Sauf un petit nombre d’incidens, la vie du baackwoodsman est partout la même c’est, pour ainsi dire, une chasse perpétuelle, quand ce n’est pas une lutte périlleuse. Voilà les vrais représentans de la population des prairies, voilà les hommes qui composent en majorité l’escorte du capitaine Frémont. Quel sera l’avenir d’une conquête préparée par d’aussi rudes pionniers ? A l’époque où M. Walpole visite la Californie, on peut déjà l’entrevoir et prédire de belles destinées à la population aventureuse qui s’installe sur les bords du Sacramento.


III

Le séjour en Californie est un des derniers épisodes de la longue campagne du Collingwood. Bientôt le lieutenant Walpole revient à Londres. Il a quitté l’Europe en 1844, il la retrouve en 1848. On sait ce qu’était l’Europe à cette époque, et on devine le contraste qui s’offre à l’esprit du jeune marin, quand il compare les impressions de son départ à celles de son retour. Sur le continent, qu’il avait laissé si tranquille, la démagogie a fait invasion ; les gouvernemens tombent, les peuples marchent les uns contre les autres ; on les dirait en proie à un accès de fièvre chaude. Seule, l’Angleterre garde le calme qui manque à toute l’Europe. Après avoir vu à bord du Collingwood la puissance de la marine anglaise, nous admirons à Londres, avec M. Walpole, la sagesse de cette politique qui, depuis si long-temps, maintient et développe la prospérité de la Grande-Bretagne.

Ce contraste de l’Angleterre avec l’Europe n’est pas la seule leçon que nous voulions tirer du livre de M. Walpole : il est un autre contraste plus instructif et qui nous est plus directement applicable, le contraste de l’Angleterre avec la France. Nous ne parlons pas ici de la sécurité intérieure, nous n’avons en vue que l’influence maritime qui en est la conséquence. Il n’est pas inutile à ce propos de rappeler le but même de la campagne du Collingwood.

Le Collingwood avait surtout pour mission de faire flotter pendant