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parlementaire, même celui de 1848. Il faut le détruire ou le pratiquer. Le détruire ! nous ne croyons pas que personne y pense. Ce gouvernement est entré plus profondément dans les habitudes du pays que le pays lui-même ne le croit. Ce pays-ci prend volontiers ses mauvaises humeurs pour des incompatibilités, et, quoique cela lui ait déjà joué beaucoup de mauvais tours, nous craignons bien qu’il ne soit pas encore décidé à se corriger. Il est donc fort possible qu’il parle avec mauvaise humeur du gouvernement parlementaire ; mais essayez de le lui ôter, et vous verrez alors ce qu’il en pensera. Il est plus vif dans ses regrets que dans ses affections. Il adore l’irréparable. Voyez ce qui lui est arrivé à propos de la monarchie ; il en médisait quand elle était debout, et il l’a laissé tomber. Une fois tombée, il l’a regrettée, et il semble en reprendre pièce à pièce tout ce qu’il peut. Qu’il laisse tomber le gouvernement parlementaire, il le regrettera aussi, et en reprendra tout ce qu’il pourra. C’est donc une grosse aventure que de détruire le gouvernement parlementaire, et c’en sera une le lendemain surtout de sa chute.

S’il est difficile de se débarrasser du gouvernement parlementaire, il est plus dangereux encore de le mal pratiquer. Cette tribune, ce scrutin, cette nécessité d’avoir de l’ascendant dans l’assemblée et de n’y être pas traité trop lestement, tout cela est une condition inévitable du gouvernement parlementaire, tant qu’on le conserve. On peut murmurer contre l’autorité de la parole ; mais, dans un gouvernement qui parle, il ne faut pas avoir trop habituellement contre soi les princes de la parole. Vous croyez que les échecs de la tribune ne comptent pas ; essayez un peu d’un système qui multiplierait les échecs, et vous verrez si en fin de compte le gouvernement se trouvera plus fort ! Nous avouons, quant à nous, que ce serait avec une peine profonde que nous verrions se transformer en obstacles et en difficultés les moyens de discussion et de délibération du gouvernement parlementaire. Or, c’est ce qui arrivera infailliblement, si le pouvoir exécutif, au lieu de chercher ses moyens de gouvernement dans un accord intelligent avec le pouvoir législatif, voulait les chercher en dehors de cet accord, si la lutte commençait entre les deux volontés souveraines, lutte sourde et dédaigneuse, et où chaque pouvoir en viendrait à se dire : Peu m’importe d’être blessé, je ne puis pas mourir avant le temps marqué, -erreur fatale pour le pays ; car il ne peut y avoir de gouvernement qu’à l’aide de l’accord des deux pouvoirs souverains, le président responsable et l’assemblée indissoluble.

Nous répétons notre conclusion : il faut pratiquer loyalement et poliment le gouvernement parlementaire, si on ne veut pas le détruire. Il faut s’accorder avec l’assemblée, puisqu’on ne peut pas la dissoudre. Nous aimerions mieux, quant à nous, une guerre ouverte que des taquineries inefficaces ; mais, par-dessus tout, nous souhaitons l’accord et la bonne intelligence des deux pouvoirs.

Nous voulons, en finissant, aller au-devant d’une objection qu’on pourrait nous faire : il y a trois mois bientôt, après le message du 31 octobre, nous nous permettions de conseiller au gouvernement parlementaire de faire le mort un peu, mais pas trop, d’attendre enfin et d’observer. Quand nous donnions ce conseil, nous prêchions un converti, puisque l’assemblée législative avait