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comptes ont été appelés auprès de la commission pour vérifier les pièces de dépenses réglées et non soldées. Leur rapport, très impartial, a été publié à la suite du travail de la commission, et l’on verra qu’il est bien loin d’exprimer ce que de part et d’autre on a voulu lui faire dire. En résumé, il est empreint d’une juste sévérité pour les irrégularités financières, et il écarte en même temps la responsabilité morale du ministre. Nous n’avons pas besoin de dire, à plus forte raison, qu’il écarte sa responsabilité matérielle. Nous adoptons, pour notre part, ces conclusions. Puisque nous parlons de la cour des comptes, il ne sera pas inutile de rappeler que l’assemblée est saisie d’une proposition tendant à rétablir sur leurs sièges les magistrats de cette cour qui ont été frappés par des décrets du gouvernement provisoire. Il serait urgent d’effacer du seuil de la magistrature cette dernière trace des violences de février.


— Les réformes administratives et financières continuent d’absorber exclusivement l’attention du gouvernement et du parlement espagnols. D’incessans conflits d’attributions paralysaient jusqu’ici l’action respective des chefs politiques et des intendans. Un décret royal vient de supprimer ces deux autorités et de concentrer leurs pouvoirs dans les mains d’un fonctionnaire unique, qui prend le titre de gouverneur de province. C’est là un grand pas de fait vers cette centralisation administrative qui, chez nous, est depuis quelque temps l’objet d’une défaveur à beaucoup d’égards méritée, mais qui, en Espagne, est une réaction légitime et nécessaire. Comme toute réaction d’ailleurs, la mesure dont il s’agit substitue à l’excès un excès contraire. Que dirions-nous, en France, d’un système d’après lequel les préfets cumuleraient, avec leurs attributions actuelles, celles des directeurs des contributions directes et indirectes, du directeur de douanes et du directeur de l’enregistrement, d’un système qui, en d’autres termes, joindrait aux causes de froissement que les susceptibilités départementales et communales créent autour de l’administration civile cette impopularité dont nulle part le fisc n’est exempt ? Il y a là le germe de plus d’un danger que l’expérience révélera. Avouons-le cependant, au point de vue de ses effets immédiats, la réforme qui vient d’être décrétée est un bienfait réel. L’anarchie, le gaspillage et toutes ses conséquences étaient arrivés à un tel degré dans certaines provinces, que le gouvernement se voyait dans l’impossibilité de saisir de loin tous les fils de cette vaste conspiration organisée par les employés inférieurs contre le trésor et les contribuables. Les pouvoirs universels et presque dictatoriaux que vont cumuler les gouverneurs de province proportionnent le remède au mal en transportant en quelque sorte la centralisation gouvernementale, avec tous ses moyens d’action et de répression, au foyer même des abus.

Le sénat a sans doute voté, à l’heure qu’il est, une réforme non moins importante, celle qui modifie la législation et la pénalité en matière de finances, et notamment de douanes. Outre qu’elle n’était pas en rapport avec le nouveau système douanier de l’Espagne, la législation actuelle sur la contrebande avait deux très graves inconvéniens. La pénalité, d’une part, s’y trouvait trop peu graduée, de sorte qu’à risques égaux le fraudeur avait tout intérêt à faire la contrebande en grand. Cette pénalité, d’autre part, était si rigoureuse, que le