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et de droits de consommation, ajoute à l’octroi municipal une surtaxe qui le double, ce qui porte à environ 134 réaux (33 fr. 50 c.) par habitant les charges indirectes qui entravent aux portes de Madrid la consommation et la production locales. Si l’on tient compte du bon marché relatif de la vie en Espagne et de la sobriété proverbiale qu’y comportent les mœurs et le climat, cet impôt local de 33 francs que paie en moyenne l’habitant de Madrid est l’équivalent de 60 francs par tête, ou environ 250 francs par famille à Paris. Pour ne pas sortir d’Espagne, une comparaison donnera la mesure des causes d’infériorité que l’octroi et les deux surtaxes dont l’état le grève apportent au travail madrilègne. Ces deux surtaxes seules prennent en moyenne au consommateur de Madrid deux fois plus qu’au consommateur de Barcelone, et trois fois plus qu’à celui de Cadix, bien que Madrid soit de toutes les villes celle qui approche le moins des conditions agricoles, commerciales et manufacturières qui font la prospérité exceptionnelle de Barcelone et de Cadix.

Ajoutons que, par un de ces procédés de logique comme le fisc sait seul en trouver, le montant des droits locaux de consommation est considéré plus tard par l’administration des contributions directes comme l’une des bases de la richesse imposable, de sorte que, plus la commune aura été appauvrie par cette taxe indirecte, plus elle devra contribuer pour l’impôt direct. C’est ce qui peut expliquer encore comment la moyenne individuelle de l’impôt immobilier, qui est de 25 réaux dans la province de Barcelone, s’élève pour la province de Madrid à plus de 32 réaux. Le système des patentes, basé qu’il est dans la plupart des cas sur la population, est encore plus défavorable à Madrid ; chaque patenté y paie en moyenne 97 francs, tandis que le patenté de Cadix ne paie que 54 fr. et celui de Barcelone 47 francs. Ainsi, Madrid devait voir tourner contre lui-même jusqu’à la supériorité numérique de sa population, seule compensation qu’il pût trouver aux inégalités forcées ou factices qui paralysent son progrès matériel.

Dans ces conditions, et en attendant une transformation dont il est déjà possible d’apercevoir les symptômes, Madrid ne pouvait viser qu’au rôle de métropole officielle, sans autres branches de commerce ou d’industrie que celles qui correspondent aux besoins les plus immédiats de la consommation locale. La classe réellement dominante à Madrid devait donc être celle qui se rattache directement ou indirectement au monde officiel. Essayons de déterminer son importance numérique. Madrid n’est politiquement intelligible qu’à cette condition. Nous prendrons pour base de nos calculs le recensement municipal de 1846, le seul, d’après M. Madoz, qui offre des garanties d’exactitude, et le seul aussi qui n’échappe pas entièrement à l’analyse. Ce recensement assignait à Madrid environ quarante-neuf mille domiciliés,