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établies sur les grandes routes[1], suffirait pour laisser aux actionnaires un intérêt de 5 pour 100, plus un excédant qui serait graduellement employé à compléter les travaux d’art et à construire la seconde voie. Le problème des chemins de fer espagnols se réduit dès-lors à ces termes : — est-il possible de supposer qu’avec une vitesse cinq fois plus forte et un tarif trois fois moins élevé qu’aujourd’hui pour les voyageurs, avec un tarif six fois moins élevé et une vitesse incomparablement plus forte pour les marchandises, le mouvement des voyageurs et des marchandises décroîtrait sur la ligne de Valence à Madrid et de Madrid à Ségovie ? Ainsi posée, la question doit être assurément considérée comme résolue.

Par l’ouverture de la ligne de Valence à Ségovie, et en supposant même que les nombreux capitaux intéressés à utiliser l’excellente position maritime de la Corogne ne s’empressent pas de prendre à leur charge le prolongement jusqu’à ce port, la jonction de Madrid aux deux mers sera en quelque sorte réalisée. À Ségovie, le chemin de fer rencontrera, en effet, le canal de Castille, lequel, après Valladolid, se divise en plusieurs bras. L’un de ces bras, déjà terminé jusqu’à Medina de Rioseco, va être continué jusqu’à Zamora sur la frontière du Portugal et à une faible distance du point où le Duero, qu’une union douanière désormais inévitable va livrer au commerce espagnol, commence à devenir navigable : voilà l’Océan presque conquis. L’autre se prolonge jusqu’à Alar-del-Rey, dans la direction de Santander, qui cherche déjà à se relier par un chemin de fer avec les ports voisins, et où il est en outre fortement question, rien qu’en vue de profiter du canal de Castille, d’une autre voie ferrée jusqu’à ce canal. L’ouverture de la ligne de Valence à Ségovie, qui décuplerait pour Santander le bénéfice de cette jonction, ne pourrait que l’accélérer : voilà donc Madrid en contact, et cette fois sur le littoral espagnol même, avec trois ou quatre ports de l’Océan. Ce n’est pas tout : dès que le canal de Castille sera devenu la tête d’une grande communication transversale du nord au sud-est de l’Espagne par Madrid, le canal d’Aragon, dont une faible distance le sépare, ne tardera pas à venir s’y relier ; or, ce dernier canal, après avoir vivifié l’agriculture et le commerce d’une des plus riches provinces de la Péninsule, se termine non loin du point où l’Èbre pourrait être aisément rendu navigable jusqu’à son embouchure : autre jonction de Madrid avec la Méditerranée. Arrêtons-nous là : par l’accomplissement de ce rêve, qui, pour se transformer en réalité, n’exige, d’après les devis cités plus haut, qu’une première mise

  1. Beaucoup de voyageurs et de marchandises prennent en Espagne les chemins de traverse pour échapper aux péages, ou circulent entre des points où il n’existe pas de bureaux d’octroi, de sorte que ce relevé nous paraît être plutôt au-dessous qu’au-dessus de la vérité.