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LA BAVOLETTE.


IV.


Le héros de Rocroy n’avait point de goût pour la guerre des pots cassés. Le duc de Beaufort, au contraire, n’en savait point faire d’autre, en sorte que, durant le blocus de Paris, les troupes régulières de la reine furent souvent battues par les frondeurs. La porte Saint-Antoine, les alentours de Vincennes et de Charenton étaient le théâtre ordinaire des escarmouches. Il n’y avait guère de jours où Saint-Mandé n’entendît le feu de la mousqueterie. Un jour, M. de Beaufort, s’étant logé dans les terrains de ce village, y établit à la hâte des travaux de défense que l’armée royale voulut enlever. Les habitans, dispersés dans la plaine, voyaient de loin leurs maisons converties en redoutes et percées par les boulets. Les frondeurs, n’ayant point d’artillerie de campagne, ne purent résister long-temps, et cherchèrent un refuge derrière les murailles de Paris.

Après le combat, les paysans, rentrés chez eux, firent d’un seul mot l’inventaire de leurs pertes : tout était détruit ou endommagé dans leur village. Si quelques bestiaux et quelques meubles avaient échappé au désastre, l’occupation des gens de guerre y mit ordre. Afin de préserver Saint-Mandé d’une nouvelle surprise, un détachement royal s’y établit à demeure, mangeant ce qui restait de vivres sans les payer, et traitant le pauvre monde comme on fait en pays conquis. La basse cour et le colombier de dame Simonne y passèrent jusqu’à la dernière volaille. Quant à sa vache, privée de soins, menacée de périr alternativement sous le sabre des mazarins ou le couteau des frondeurs, elle ne résista pas à tant de vicissitudes, et mourut de maladie. Sur ces entrefaites, la paix fut signée au château de Saint-Germain par l’entremise de H. le prince. On s’en réjouit fort à la cour, et l’on s’imagina que tout était fini ; mais le parlement irrité, le peuple de Paris frémissant encore et le paysan ruiné ne voyaient dans cet accommodement qu’une partie remise. Dame Simonne, réduite à l’extrémité, manquant du nécessaire pour recommencer sa petite industrie, s’abandonnait au désespoir. Claudine tira d’une cachette, où elle l’avait enfermé, le bracelet donné par la princesse mystérieuse.

— Ne pleurez point, ma mère, dit-elle. Voici un bijou qui vous sauvera de la misère. Vous le pouvez vendre en toute assurance à maître Cambrai, orfèvre du Pont-au-Change, et, avec le produit, vous achèterez des bestiaux et des meubles.

À la vue d’un joyau si précieux, Simonne se mit à trembler de tous ses membres. Elle admira la monture d’or plus encore que les perles dont elle ignorait le prix. Claudine lui raconta par quelles circonstances ce trésor était tombé entre ses mains, et comment elle s’en pouvait